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Les joies du camping

par Anne
Nouvelle Zélande

Dans « camping-car », il y a « camping ». Il faudrait voir à ne pas l’oublier. Pour cela et dans un souci d’exactitude, Ami Voyageur, voici quelques points incontournables qu’il me semble important de souligner si vous êtes tenté par un road-trip en Nouvelle-Zélande. En camping-car, donc.

Avec un camping-car, on pense tout de suite à « liberté ». Mais que nenni ! Le camping sauvage est aujourd’hui extrêmement réglementé en Nouvelle-Zélande ! Il y a encore quelques années, la population la plus importante du pays, les moutons, donc, pas les hommes, se contrefichaient qu’une bande d’olibrius chevelus se mettent à squatter leurs verts pâturages dans des vans VW aménagés. Alors que maintenant, on se retrouve à dix fois plus de véhicules, dix fois plus gros, sur des aires de camping dix fois plus petites, bien définies, bien délimitées et bien souvent bien payantes, à s’entasser au grand air comme les moutons susnommés. Et au grand air, c’est vite dit ! Car en cas de pluie ou de froid polaire, deux conditions météorologiques pas totalement incongrues ni incompatibles en Nouvelle-Zélande, l’intérieur du camping doit être entièrement repensé dans un esprit « loft multifonctionnel », c’est-à-dire qu’il faut, avec beaucoup d’imagination et très peu d’espace, combiner cuisine- chambre – salle de classe – aire de jeux en un minimum de surface, mais détail non négligeable, à l’abri et chauffé. Il faut avouer que si cette solution répond à tous les critères de lutte efficace contre une météo qui visiblement garde une vieille rancœur contre les campeurs, elle nuit profondément à l’idée qu’on se fait de la convivialité lorsque l’on décide de camper. La rencontre fortuite avec son voisin de parking – euh, pardon, de camping, est mise à rude épreuve dans ces circonstances. On peut vite se sentir isolé, chacun restant chez soi, la porte bien close, la création spontanée de liens amicaux remisée à des jours meilleurs sous des cieux plus cléments. Autant dire que c’est pas gagné. Il est vrai que les amitiés de camping sont souvent liées à une belle soirée ensoleillée, à quelques bières et cerise sur le gâteau, ou plutôt saucisse sur le grill, à un bon vieux barbecue des familles. Alors sortez les provisions, au diable le régime, il est temps de s’y mettre si vous voulez lier connaissance.

Dans un camping-car, ça vibre. La marche escamotable, les parois, les portes des rangements, la table, la vaisselle, les verres, les couverts…. Bref en un mot, tout ce qui n’est pas vissé ou collé, absolument tout tremblote et tressaute dans un boucan assourdissant. Pas question de tenir une conversation avec ses compagnons de route sur la beauté du paysage, l’itinéraire à suivre, le prochain arrêt pipi ou le menu du dîner du soir. Il n’y a rien à faire, on ne s’entend pas. Il vaut mieux tout de suite ne pas s’entêter, et préférer engager un monologue avec soi-même. Même si ça vibre aussi, dans sa tête, ce qui compromet également l’écoute sereine de sa petite voix intérieure, on en convient.

Autre désagrément de taille quand on vit dans un camping-car, ce sont les suspensions, aussi molles que les matelas de la princesse au petit pois, qui vous donnent l’impression de vivre sur des ressorts. Les personnes sujettes au mal des transports n’ont qu’à bien se tenir, leur supplice ne fait que commencer, car à cela s’ajoute le fait que les routes de Nouvelle-Zélande ne connaissent manifestement pas la notion de rectitude. Et puis mieux vaut avoir un excellent sens de l’équilibre ou alors un rembourrage de hockeyeur professionnel lorsque l’on tente un déplacement dans le véhicule en mouvement à moins de vouloir jouer le rôle de la balle dans un flipper, ce qui, à mon sens, se révèle aussi stupide que superflu, mais chacun son délire, je vous laisse libre de vos hobbies. Cependant, il arrive toujours un moment du voyage où on se dit qu’on aimerait bien sa petite laine qui, bien sûr, se trouve tout au fond de l’engin. Et vous voilà propulsé dans cette épreuve dangereuse, à vous agripper à la moindre prise, en vous déplaçant en crabe, bras et pieds en croix, bravant le danger. Un moment d’inattention et vous vous retrouvez les quatre fers en l’air, espérant ne rien vous être cassé, devant un public de passagers hilares, et en ayant dorénavant parfaitement compris et assimilé les règles de sécurité qui stipulent bien qu’il est interdit de se déplacer dans un van en marche.

Pour bien vivre dans un camping-car, il faut respecter un certain sens de la méticulosité, mettre ses affaires dans les rangements prévus à cet effet et ne pas oublier de verrouiller les placards, sans quoi tout effort d’organisation, aussi drastique soit-il, s’avère franchement inutile et vain. Et dans le cas très probable où l’intégralité de vos affaires se retrouve éparpillé par terre, l’envie est vite là de tout ramasser vite fait et de le jeter en boule dans le placard, parce que, de toute manière, vous oubliez toujours de remettre la sécurité qui bloque ces fichues portes.

Quand on roule en camping-car, on est vite gros, grand, encombrant mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, trop rapide. L’arrêt photo inopiné doit être annoncé assez longtemps à l’avance. Il est ici intéressant de pouvoir se prévaloir d’un certain don pour la divination et ainsi anticiper le prochain stop en le signalant calmement au conducteur autrement qu’en hurlant « làààààà !!!! Arrête-toiiiiiiii !!!!…. »  conclu par un soupirant « Trop tard… », afin que ledit conducteur puisse envisager de marquer un temps d’arrêt à la bonne hauteur et pas à l’étape suivante, déjà atteinte le temps du freinage.

En camping-car, les routes sinueuses sinuent, les tournants tournent,  et les distances se distendent. A l’annonce du kilométrage, il est préférable pour le pilote d’annoncer la distance de l’étape du jour en temps, toujours grosso modo et en ajoutant, à la louche, une bonne heure de plus au temps prévu, par sécurité. Ainsi, l’inévitable refrain « quand est-ce qu’on arrive ? » ne sera seriné par les jeunes passagers impatients que sur la dernière demi-heure du trajet, et encore, si vous ne vous êtes pas trompé d’itinéraire en cours de route, le GPS ayant cessé de vouloir s’y retrouver dans tout ce fatras de lacs et de montagnes. Sinon, n’oubliez pas, ça vibre dans le camping-car, vous pouvez toujours dire à vos interlocuteurs que vous n’entendez pas la question.

A quatre dans les 10m2 du camping-car, il faut s’aimer fort, très fort. Il faut revoir à la baisse, forte baisse je précise, les limites de son espace vital. On est loin du concept « seul au monde ». En raison de l’espace réduit, il est assez difficile de s’isoler à l’intérieur du camion, à moins de s’enfermer dans les toilettes, ce qui est totalement déconseillé, olfactivement parlant, sous peine d’asphyxie immédiate et de danger de mort. Lors d’un déplacement d’un point A à un point B, Il faut annoncer haut et fort quelle est sa direction et savoir anticiper toutes les possibilités de collision avec d’autres personnes, portes ou autres objets en mouvement ou sur le point de l’être, ces derniers paramètres comportant le plus de risque, on a rarement vu une porte de toilettes annoncer son ouverture subite.

A bord du camping-car, Il faut être organisé et inventif pour remédier aux petites contrariétés du quotidien, sans trop avoir le souci du détail, juste se concentrer sur le côté pratique, comme fixer les coussins des banquettes au gros scotch pour éviter qu’ils se fassent la malle à chaque virage, et avec eux les popotins des plus jeunes passagers. C’est savoir faire rentrer dans le mini-frigo d’une capacité de 20 litres l’équivalent de 100 litres, minimum requis pour un repas à quatre. Il faut savoir se montrer fataliste lorsque, par une nuit de grosse pluie, on s’aperçoit que la fenêtre juste au-dessus de la couchette, plus précisément au dessus de l’oreiller, laisse passer la pluie qui vous tombe pilepoil dans le creux de l’oreille.

Etre en camping-car, c’est comprendre la mécanique des fluides. Le van comprend un réservoir et dans l’habitacle, il y a des robinets et une chasse d’eau, il existe donc un circuit. Si l’eau sort, l’eau doit forcément rentrer. Inversement, si l’eau rentre, elle doit obligatoirement sortir à un moment M durant un instant T. Nous n’évoquerons pas ici la vidange bouchée qui pourrait choquer les âmes les plus sensibles. La logistique de la gestion de l’eau devient un élément primordial du bien-être des occupants et un sujet de préoccupation majeur. Gare à celui qui laisse couler le robinet par mégarde, chaque millilitre de liquide faisant l’objet d’une consommation ultra-contrôlée, à la limite du névrotique. Pour le gaz, c’est kif-kif. Sans parler de l’électricité et d’internet. Le raccordement à la prise électrique est une condition sine qua none pour l’utilisation du grille-pain et de l’ordinateur, parce que oui, on campe, mais on aime bien son petit confort. Et la connexion internet n’est malheureusement pas encore fournie par les fougères, ce qui serait une avancée technologique formidable pour la Nouvelle-Zélande, ceci mérite peut-être une étude approfondie, amis chercheurs, qu’on se le dise.

En camping-car, il faut revoir sa notion de la gastronomie. Faute d’appareils, d’ustensiles ou d’ingrédients. Le choix des menus, que l’on n’a pas eu la possibilité de discuter en raison des vibrations, cf. paragraphe ci-dessus, se limite à tout ce qui peut se faire cuire tout en même temps dans une casserole d’un diamètre de 10cm maximum. Les palais délicats sont mis à rude épreuve et même le plus grand amateur de pâtes peut, à la fin du voyage, sentir poindre une pointe de lassitude qu’on ne saurait blâmer. De plus, il faut prévoir, si l’on dîne en extérieur, de placer la table pliable assez près de la porte d’entrée, elle-même proche de la plaque de cuisson pour que le contenu n’ait pas le temps de refroidir en chemin. Cela demande une certaine vélocité dans l’action de portage de casserole sur la table, et d’avalage d’assiette en un temps record, avant que la température ambiante ait transformé la sauce bolognaise en parfait glacé.

A la lecture de tous ces petits désagréments, on pourrait se décourager, si ce n’est abandonner le navire et son capitaine vissé au volant, les yeux fixés sur la route. Il se peut aussi qu’un soir, autour de la mini-table du coin salon, après une petite journée de six heures de route, on entende cette phrase : « Dans le fond, le camping, j’aime pas ca ». Cette affirmation a priori sans équivoque est à mettre sur le compte de la fatigue, du froid, ou du vertige dû aux émanations de gaz, ou des trois à la fois, parce que, Ami Voyageur, Il ne faut pas se démoraliser, le jeu en vaut vraiment la chandelle !

En effet, quel bonheur de ne plus avoir tous les jours de sacs à boucler qui n’arrivent jamais à se refermer, à croire que c’est l’une de leurs caractéristiques propres au même titre que celle d’avoir des bretelles. Et quelle chance de ne pas avoir à chercher d’hôtel libre en pleine période de vacances estivales lorsque tout est booké depuis des lustres à part les taudis et les hôtels de passe qui, avec des enfants, vous apparaissent comme une solution assez mal appropriée, on le conçoit aisément.

Voyager en camping-car, c’est avoir la chance de parcourir des paysages magnifiques, d’admirer mille panoramas en mouvement qui défilent devant ses yeux sans discontinuer, de tracer la route quand bon vous semble, selon son humeur et celle du ciel, d’être autonome et mobile, avec lenteur, soit, mais mobile quand même. Oui, voilà, quand on voyage en camping-car, on se prend pour des escargots, de Bourgogne en ce qui nous concerne, avec sa maison sur le dos, et ça, ça vaut tout l’or du monde !

Et puis il sera toujours temps, à votre retour, de reparler de cet autre projet de voyage, le Caucase à dos d’âne et yourte mongole….

 



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