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Carnet de voyage Japon (1ère partie)

par Anne
Japon

(du 15 mars au 4 avril 2016)

L’exquise délicatesse du Japon

On aime faire le grand écart, dans ce tour du monde. Après les Philippines, le Japon ! Après la nature et les plages, place aux villes tentaculaires, aux lieux chargés d’histoire, au mode de vie si particulier et loin de tous nos repères.

Le Japon, ca se mérite ! Et généralement, ça se prévoit bien longtemps à l’avance ! Encore un pays qui n’aime guère le spontané et l’impromptu… Lorsque nous nous penchons pour la première fois sur notre programme, nous sommes à Port Barton, sur Palawan aux Philippines. Et si nous réalisons que nous avons bien choisi nos dates, pile pour la saison des cerisiers en fleurs, nous nous rendons bien vite compte qu’il va être compliqué de monter un programme qui tienne la route… C’est que le Japon en cette saison est une destination phare !

Pour ce qui est des lieux à visiter, nous hésitons… Tokyo est un incontournable, au même titre que Kyoto. Quid du nord ? Il fait trop froid, il neige encore et nous ne sommes pas équipés ! Le Sud alors ? Oui mais jusqu’où ? Hiroshima, y aller ou pas ? Si oui, ose t-on la visite du musée pour la Paix, pas forcément prévu pour un public de l’âge de nos mini-routards ? En revanche, la Benesse house est un stop obligatoire. Ok, mais c’est ou ça, sur la carte ? La galère ne fait que commencer… Et puis l’office du tourisme japonais a bien travaillé, le tourisme sur l’archipel est en plein boom ! Seulement les infrastructures hôtelières sont limitées et le style « réservation en mode routard de dernière minute » ne fait pas trop partie des mœurs locales. On voudrait bien se rabattre sur les petites adresses de guesthouses mais leurs sites internet ne se lisent qu’en japonais, ce qui complique la donne ! Côté transports, même combat. Il existe pour les touristes un pass ferroviaire que l’on ne peut se procurer que depuis l’étranger, impossible de l’acheter sur place à la dernière minute. Après s’être renseignés, il nous serait possible de l’acheter à Manille. Mais attention les yeux, son prix exorbitant pique les yeux ! Malgré le nombre incalculable de sites d’information qui le préconisent, nous décidons de nous en passer en sortant des circuits classiques et des sentiers battus, ce qui nous permet également de parer à la pénurie d’hébergement dans les grandes villes. Nous allons donc louer une voiture… L’idée paraît excellente, jusqu’au moment où nous réalisons que nos permis internationaux ne sont pas valables ici ! D’urgence, nous demandons la délivrance d’un permis « spécial Japon » auprès de l’administration suédoise, à faire livrer à notre hôtel à Kyoto, en moins d’une semaine… Sur le fil, notre organisation ? Certes, mais ça marche, nous les recevrons en temps et en heure !

En tous cas, à Port Barton, un matin au petit déjeuner, il a été question de ne plus aller au Japon… Quelle erreur cela aurait été ! Nous avons tenu bon, persévéré, filouté avec notre programme pour aboutir à l’une de nos plus belles escales.

Animation, Fascination, Japon

Notre approche du Japon mérite un petit préambule.

Je l’avoue, je n’ai jamais été fan de culture japonaise, je n’ai jamais voué à ce pays une curiosité sans borne ni un amour inconditionnel. Je ne me suis jamais vraiment demandé ce qu’est l`ère Meiji, qui c’est ce Kobô Daishi, et à quelles dates se déroule la période Edo. A vrai dire, je n’en ai même jamais entendu parler ! Le Japon pour moi était une destination opaque, confuse et bien trop lointaine. Cependant, comme tous ceux de ma génération, la culture japonaise a baigné mon enfance. Des dessins animés du club Dorothée aux dessins des mangas, en passant par la gomme parfumée Hello Kitty, les stylos « fantaisie », et les figurines ninja, je partage depuis mon plus jeune âge avec le Japon un monde onirique et familier peuplé d’écoliers en uniforme bleu marine, aux traits fins et aux yeux immenses, d’animaux imaginaires aux noms comiques et d’esprits qui parlent aux humains. Et visiter le Japon, c’est comme déambuler dans un dessin animé japonais. C’est là qu’on comprend que ces « anim’ » ne sont pas seulement l’œuvre d’une imagination débordante, mais tout bonnement la retranscription d’une société bien réelle, oscillant sans arrêt entre conservatisme et ultra-modernité. Combien de fois serons-nous surpris par des voix nasillardes semblables à celles de personnages de manga, de visages criant de ressemblance avec des caractères fictifs de dessin animé, ou de décors plus vrais que nature ? On a même retrouvé l’arbre sous lequel Totoro s’endort… Magique et surréaliste à la fois, c’est un pays pour ado attardé, un dessin animé géant et on marche dedans.

En réalité, lorsque l’on visite le Japon, des portes improbables s’ouvrent en permanence sur un univers qui se joue de tous nos repères occidentaux, mais qu’on a toutefois imprimé dans notre inconscient à coups de mangas les mercredis après-midis. En cela le Japon, bien qu’auréolé de mystère, s’avère finalement beaucoup plus accessible que ce que l’on veut bien croire.

Accessible oui, compréhensible, moins ! Entre lignes zen et néons clinquants, entre lieux sacrés et salons de pachinkos, sortes de grosses machines à sous, entre épiceries traditionnelles et bars à chats ou à hiboux, entre vrai respect et sens de la hiérarchie faussé, on a du mal en tant qu’occidental à prendre la mesure de cette dissonance intrinsèque, de ce contraste perpétuel, de cette ambiguïté sous-jacente. C’est la première destination où j’ai l’impression qu’il faut surveiller en permanence le moindre de nos faits et gestes. L’étiquette est primordiale ici, et les impairs, nous devons en commettre tout le temps, avec une parfaite ignorance des us et coutumes, que ce soit dans nos gestes, nos paroles mais aussi nos pensées. A ce propos, et en raison de ce léger refroidissement météo, j’ai rapidement une question de bienséance : ma goutte au nez et moi, dans ce pays, qu’est ce qu’on devient ?!

Le Japon, c’est donc un gros choc culturel où les cinq sens sont en éveil permanent, dans tous les aspects de la vie quotidienne. Ce qui frappe tout de suite, c’est ce calme, tout ce calme. Les bruits alentour sont comme étouffés. Dans la rue, pas de cris, de gens qui s’interpellent, pas de klaxons. J’ai même la sensation de ne jamais avoir entendu démarrer de voiture, pas même un brouhaha, rien qui agresse l’ouïe. Et puis c’est joli la langue japonaise, c’est chantant, il n’y a qu’à entendre la douce voix dans le métro annoncer la station : «  Ni-Ppori ! Ni-Ppori ! » pour s’en convaincre. Dommage que l’on n’y comprenne vraiment rien, à l’oral comme à l’écrit. Nous naviguons donc dans un flou artistique qui ajoute encore un peu plus au charme de la découverte.

Autre spécificité du pays, c’est ce côté diligenté qui se traduit en un sens profond du respect et un excellent service. Les gens sont très polis, se répandent en maintes courbettes et salutations courtoises, c’est assez déstabilisant quand on n’est pas habitués. On ne se bouscule pas. On fait la queue. On attend son tour. C’est agréable d’être bien traité en permanence ! C’est zen, partout, tout le temps.

Au Japon, dans les villes grises et exsangues, il y a toujours quelque chose de beau. Un temple, une pagode, un vieil édifice dont les formes et les volumes sont élégants et raffinés. La courbe d’un toit, l’arrondi des tuiles, le treillis en bois d’une fenêtre, tout est poésie. Les toris, ces immenses portes de sanctuaires me font penser à des ailes d’oiseaux déployées pour un envol gracieux. La grâce, le raffinement, il suffit de lever les yeux pour en trouver un petit peu, sur les plaques votives des cimetières, dans l’élégance d’un panneau publicitaire, dans la vitrine d’une boutique, dans la posture d’une jeune femme.

Il faut aussi mentionner dans la catégorie « choc culturel » la qualité et la diversité de la cuisine nippone. Pendant toute la durée du séjour, nous nous régalons sans interruption de saveurs nouvelles et surprenantes. Bon, ok, surtout les parents. En trois semaines, pas moyen de manger deux fois la même chose, pour dire l’incroyable richesse de la table japonaise. Tous les restos se spécialisent, qui dans les barbecues, qui les okonomiyaki ou les yakitori, chacun possède un savoir-faire ancestral, auquel s’ajoutent de non moins délicieuses variantes régionales. Au moment de commander, c’est souvent le grand mystère, on sait rarement ce qui nous attend dans nos assiettes…  Du Poulpe ? Ok ! Des croupions de poulet ? Hum, pourquoi pas ? De la langue de bœuf, bof… Et en plus crue ? Euh non là, sans façon ! Et ce truc mou et vert, une idée de ce que ça peut bien être ?… A table, nous nous laissons donc surprendre par le contenu des boîtes à bento, des petites coupelles de légumes marinés, des bols de soupe miso. Et les baguettes, tout un programme ! Les tenir n’est pas un problème, mais attention aux gestes que l’on fait avec ! A la fin du voyage, je tombe sur un petit prospectus où sont expliquées les bonnes et mauvaises manières avec des baguettes… Cela fait trois semaines que sans en avoir le moindre soupçon, nous nous tenons bien mal à table avec nos « hashi » !

Japon
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Tokyo,  excentrique, éclectique, électrique

A notre arrivée, le froid polaire s’abat sur nous. Nous arrivons au tout début du printemps nippon, nous retrouvons cette lumière hivernale pâle et frileuse, la nature blême, les arbres nus et l’absence de feuilles. Les températures plafonnent à 13 degrés. Les doudounes sombres sont de sortie, entre noir et noir foncé, couleurs absorbées.

Mais ce qui nous saisit le plus, c’est la quiétude de la ville. Pourtant à Tokyo, il y a 14 millions d’habitants (40 millions pour la métropole…), plus que dans toute la Suède ! Il y a dans ce bouillonnement une retenue doublée d’une politesse prévenante qui atténue l’effervescence incessante de la ville. Malgré toute cette grandeur, pas de sentiment d’oppression, jamais.

Notre maison se trouve à Ueno. A la sortie de la station, les néons et lumières blafardes, les inscriptions mystérieuses, les voix incompréhensibles, le flou ambiant nous subjuguent. Le ton est donné. L’agencement de notre appartement et ses nombreux appareils électroménagers nous laissent songeurs : les toilettes high-tech chauffantes à multiples jets et musique intégrée, la salle de bains à proprement parler, pommeau de douche situé à l’extérieur de la baignoire, le panneau de contrôle à boutons incompréhensibles pour l’eau chaude et l’évacuation de l’air, l’indispensable cuit-vapeur pour le riz, la bouilloire-fontaine avec de l’eau chaude en permanence qui me fait un effet bœuf, la table chauffante autour de laquelle la famille s’agenouille pour les repas, la zone tatami dans le salon, les lits futon. Pas de doute, nous sommes entrés de plain pied dans le monde démentiel du Japon !

A Tokyo, les temples et ruelles anciennes se fondent dans les quartiers modernes. Les échoppes à deux étages sont coincées entre des immeubles aux néons spasmodiques. Au gré de nos journées, nos pas nous font traverser des mondes parallèles, quartiers anciens, secteurs tendance, le tout mélangé. Dans Yanaka, les ruelles de commerces alléchants sentent si bon, tout le temps, que c’en est indécent ! A Shibuya, ce sont lumières, bruits, foule, mouvement, va et vient, énergie fascinante de la ville. Les écrans géants projettent des pubs sous forme de mangas, même la pub McDo est un dessin animé. L’Ameyoko market, vaste marché de bric-à-brac où l’on se presse en fin de journée dans des restos authentiques et bondés. A Asakusa plus qu’ailleurs, les touristes s’amusent à revêtir de magnifiques kimonos pour déambuler lors de leurs pérégrinations, donnant à ces lieux déjà hors du temps une touche encore plus décalée et vieillie comme une photo sépia. On y croise aussi des écoliers en uniformes et des moines que rien n’affecte. Devant le temple Senso-Ji rouge et or, on amène à soi les effluves d’encens pour se purifier. Les ema, ces plaques votives en bois joliment gravées ou peintes, avec leurs vœux de bonne santé, se balancent au gré du vent. La rue commerçante Nakamise dori bouillonne, emplie de stands proposant éventails, baguettes, babioles et douceurs à manger sur place, because « eating while walking is prohibited ». Le quartier électronique d’Akihabara, dégorge de figurines, gadgets, trucs et bidules high-tech et rayonne d’immeubles lardés de panneaux publicitaires immenses et scintillants. Dans Ginza, l’immense jardin du palais impérial est couvert d’arbres taillés en nuages, le comble du raffinement. Le skyline des gratte-ciels se découpe au loin, derrière les boutiques de luxe, Dior, Hermès, Chanel, qui bordent le parc d’une frange opulente. Mais d’où vient ce goût pour le luxe dans ce pays aux lignes éthérées ? Le sanctuaire Meiji dans le parc Yoyogi, visité en toute fin de journée, respire le calme, loin de l’agitation fébrile de L’avenue Omotesando, les Champs Elysées locaux aux gros malls futuristes et d’Harajuku, le quartier branché. Lucie hallucine devant les jeunes aux tenues décalées, jupes bouffantes, chaussures à semelles compensées, et les cheveux bleus des filles au look de poupées.

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Lorsque la pluie printanière se met à tomber, nous nous réfugions dans le musée national rempli de merveilles devant lesquelles nous nous attardons : céramiques, kimonos, casques d’armures, estampes, paravents, rouleaux d’écriture calligraphié, nous admirons ici plus qu’ailleurs le génie des artistes de toutes les époques.

Pendant ce temps, le parc tranquille à Ueno attend paisiblement la floraison éblouissante des sakura. Et nous, fébriles, nous guettons le printemps.



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