Accueil Suivre nos aventuresLe carnet de voyage Carnet de voyage Sri Lanka (2ème partie): épices, encens et la queue du paon de Ceylan

Carnet de voyage Sri Lanka (2ème partie): épices, encens et la queue du paon de Ceylan

par Anne
Sri Lanka

(du 14 juin au 13 juillet 2016)

Kandy et le triangle culturel – Histoire, dévotion et magnificence

Kandy, c’est une grosse ville perdue en plein cœur de l’île que l’on rejoint en train par une route magnifique. Une ville un peu compliquée, qu’on a du mal à topographier, coincée entre des monts arrondis et un lac artificiel. Une grosse bourgade de 120 000 habitants, pour nous c’est beaucoup de monde. On y croise des clodos, des escrocs, des mendiants… En revanche, on y découvre un joli jardin botanique où courent des singes en liberté et où on observe une quantité incroyable de chauve-souris nichant à la cime des banians. On traverse la serre d’orchidées, on profite de l’ambiance calme, comme une parenthèse à l’agitation frénétique de la ville.

Kandy c’est avant tout la cité qui abrite le temple de la dent de Bouddha. Logé au pied du lac, le temple est un petit ensemble de bâtiments dans lequel nous nous rendons alors qu’une foule se presse pour entrer. C’est l’heure de la vénération qui a lieu trois fois par jour, les sri-lankais viennent adorer la relique de la dent de Bouddha avec toute la famille et moult offrandes. C’est un sport intense, une cohue sans nom, rien de très méditatif ! Dans le bâtiment principal couvert d’un toit en or rutilant et aux poutres ornées de magnifiques peintures, la foule s’amasse dans le passage compliqué de l’escalier étroit menant à l’étage. On décide d’y aller, nous aussi. On se met dans la queue en grugeant un peu, on a l’avantage d’être plus grands. On est vite pris dans le mouvement de foule, on se bouscule et on joue des coudes, il faut batailler sec pour que les enfants ne se fassent pas écraser, puis soudain, on se retrouve devant une ouverture, les gens devant nous posent leurs offrandes et se prosternent, recueillis et en prière. Et hop, circulez, on se fait pousser par derrière, c’est au tour de ceux qui attendent ! On ne fait donc que passer devant une porte par laquelle on devine une petite salle richement ornée où se trouve la dent de Bouddha, qui aurait la taille d’une dent de buffle, dit-on… Le spectacle, heureusement, réside pour nous dans cette foule tumultueuse et fervente, dans le décor riche du temple et cette incroyable vénération d’une dent à la taille peu vraisemblable.

Depuis Kandy, nous organisons notre tour de trois jours dans le triangle culturel, entre Polonnaruwa, Anuradhapura, et Sigiriya. La meilleure façon de découvrir les anciennes capitales du royaume de Ceylan, c’est encore de trouver un chauffeur et une voiture, et notre hostel nous en dégote un à un bon prix. Dès le lendemain, nous sommes en route en compagnie de Jack dans une voiture plus que confortable.

Comme son nom l’indique, le triangle culturel regorge de sites archéologiques, de temples et de sanctuaires datant des différentes époques de l’histoire des nombreux royaumes de Ceylan. La route qui y mène n’est pas en reste de curiosités. Nous visitons le temple hindou Sri Muthumariamman, au nombre incroyable de divinités qui se réincarnent en animaux, le monastère de Aluvihara avec son gros Bouddha en hauteur. Nous empruntons également une route qui traverse le jardin des épices ; cannelle, cardamome, curry leaf, girofle, coriandre, poivre, piment… n’ont plus de secret pour nous, hormis celui du rire de notre guide. C’est après que les choses sérieuses commencent, côté histoire foisonnante et vestiges impressionnants.

A Dambulla, sanctuaire très serein de plus de 2100 ans situé en haut d’une montagne au chemin en escalier jalonné de singes paisibles, les peintures murales des grottes sont d’une finesse et d’une préciosité incroyables, travaillées comme de grandes tentures jetées sur les parois froides. Des bouddhas dans tous les sens, couchés, assis, debout, méditant ou marchant, paraissent prêts à se mettre en mouvement et à quitter leur posture paisible pour venir à notre rencontre.

Un royaume aérien – Sigiriya

A Sigiriya, site singulier d’une grande beauté, brute et démesurée, nous découvrons le très spectaculaire vestige de la forteresse du roi Kassyapa qui, au Vème siècle, après avoir tué son père et chassé son frère du royaume se réfugie sur un roc perché à 200 mètres au dessus de la campagne.

Partir à l’assaut de la forteresse de Sigiriya se révèle être un véritable exploit. Car le rocher saille dans la plaine, à la verticale, pour s’élever dans le ciel. Après une volée d’escalier en colimaçon, on atteint un premier palier. Dans une faille de la roche, les fresques de Demoiselles, merveilleusement bien conservées, nous attendent de leur air ingénu. Yeux clairs, seins ronds, couronnées de parures d’argent, parées de mille colliers de pierres précieuses, elles portent des plateaux de fleurs en nous regardant passer, impassibles et si sûres d’elles. Elles sont d’une de ces beautés exquises, effrontées, ivres de jeunesse et de frivolité. Belles et mutines, elles défient le temps qui passe, à jamais figées et pourtant si vivantes, si troublantes. Posées sur un ciel de nuage, elles flottent pour l’éternité.

Plus haut, sur une plateforme, on découvre l’entrée monumentale de la forteresse dont il reste deux énormes pattes de lion, la tête ayant probablement disparu. On devait entrer par la gueule ouverte du fauve. On attaque la deuxième partie de l’ascension, la montée du rocher. On gravit alors un escalier autrefois de bambou, à flanc de falaise. Je crois mourir à chaque marche. Mais une fois arrivé tout en haut, on surplombe la jungle dense, d’un beau vert émeraude, parsemée de lacs et de petites collines. Le vent souffle fort, presque menaçant. Les vestiges au sol révèlent les plans d’un immense palais, quelques murs encore dressés soutiennent le relief et laissent songeur devant le faste de ce nid d’aigle, planté au milieu de la jungle, au milieu de nulle part. Devant cette vue dégagée l’on devine un roi, entouré de sa cour, qui se gonfle d’orgueil, suprême et tout puissant, repus de pouvoir et de grandeur, ivre de sa propre folie, le roi du ciel, le plus que roi.

Mihintale – berceau du bouddhisme

Nous faisons halte à Mihintale, haut lieu du bouddhisme au Sri Lanka. A notre arrivée sur le site, un prêche y est donné. La voix d’un moine résonne sur l’esplanade par des haut-parleurs vibrants. Une communauté bouddhiste de Yala est montée jusqu’ici, la fête va durer trois jours. Les pèlerins, tout de blanc vêtus, écoutent le moine, mangent et dorment à même le sol, sur l’esplanade, coincée entre trois collines. L’une est coiffée d’un dagoba blanc, la deuxième d’une statue de Bouddha géante et la dernière est un mont sacré qu’une foule de gens escalade par l’escalier dont les marches sont creusées à même la roche. On s’y presse et on s’y pousse. Au milieu de la montée, sur une petite terrasse naturelle, je m’assois avec Anatole. Je ne grimpe pas plus haut, trop de cohue. Une vieille dame de 80 ans, petite et frêle fait halte à côté de moi. Elle me dit en souriant qu’elle a peur que le vent la fasse s’envoler… A la voir ainsi, sereine et hors du temps, je prends mon lot de sagesse et d’humilité.

Anuradaphura – première capitale du Royaume de Ceylan

Ce matin-là, c’est le matin de l’accident. Oh ! Pas un truc grave-grave, mais juste assez embêtant pour nous enquiquiner sur la fin de notre périple. C’est Fabrice qui s‘y colle. Un simple verre à dents qui tombe sur le pied, éclate, et lui sectionne le tendon du gros orteil. Ça saigne, ça pendouille. Jack nous sera d’une grande aide, un soutien appréciable durant cette journée mémorable. Fabrice part donc à l’hôpital universitaire, où il attendra la moitié de la journée qu’on veuille bien s’occuper de lui, au milieu de gens qui se pressent, des autres malades qui attendent et des chiens qui divaguent dans l’hôpital, avant d’être pris en charge par un chirurgien dans une clinique privée. Là, devant le devis de l’intervention du chirurgien et de l’hospitalisation, Jack tentera bien de convaincre Fabrice de mieux négocier les tarifs, mais la santé… Pendant ce temps, je recouds les chaussures des enfants et mes tongs que le chien de la guesthouse a totalement déchiqueté pendant la nuit. Coudre m’apaise, je passe mon stress de savoir Fabrice sur la table d’opération. On dira que ce n’était pas notre jour…

Après une opération réussie et une nuit réparatrice, toute la famille rend visite au beau malade en sarong et chemise blanche impeccable, tout réparé mais un peu penaud. Nous partons lui acheter une paire de béquilles avant de continuer notre route. Là encore, Jack voudrait bien nous voir moins dépenser, et tente de convaincre Fabrice de n’en acheter qu’une seule !

Sri Lanka

Nous nous déplaçons maintenant avec un estropié. Même avec la meilleure volonté du monde, même si Fabrice jure que ce n’est pas douloureux, on voit bien que, héroïquement, il traîne la patte… Les visites se font au ralenti, c’est quand même un peu plus compliqué, alors nous réduisons la voilure pour ce qui concerne les sites archéologiques. Nous décidons de visiter un peu Anuradhapura, Fabrice, moitié sur ses béquilles, moitié dans des fauteuils roulants, mais nous n’avons pas le courage de visiter d’autres lieux difficilement accessibles et faisons l’impasse sur Polonnaruwa…

Nous parcourons donc Anuradhapura, vaste étendue de ruines sur de plus de dix kilomètres, avec les bassins de Kuttam Pokuna et le jeu des sept erreurs, le dagoba Abhayagiri, orné de petits éléphants de pierre blanche, qui mesure 75 m de haut et a perdu un peu de sa rondeur au fil des siècles écoulés, le dagoba de Thuparama qui abrite la clavicule de Bouddha, le dagoba Ruvanvelisaya, ceint par de gros éléphants gris, 90 m de haut, le temple de Mahasena et le Sri Maha Bodhi tree, temple sacré autour de l’arbre le plus vieux du monde, enfin une branche seulement, bouture de l’arbre de Bouddha ramené au 3ème siècle avant JC. Dans la ferveur et la dévotion, on nous noue un bracelet de fil blanc autour de nos poignets, comme une bénédiction familiale.

Trincomalee, Uppuveli, Passikudah, la côte est : Serendipity

Nous quittons le triangle culturel à regret et Jack, qui repart à Kandy. C’est un peu frustrés, mais raisonnables que nous faisons d’ores et déjà route pour Trincomalee, sur la côte nord est. Nous voulons profiter malgré tout de cette dernière étape du voyage. Cette zone s’ouvre au tourisme depuis peu. Le Sri Lanka, avant d’avoir été frappé lui aussi de plein fouet par la vague géante du tsunami de 2004, vivait dans l’enfer de la guerre civile. Le nord étant majoritairement tamoul, c’est cette zone qui fut la plus touchée, les conflits n’épargnant personne.

La ville de Trinco est assez petite et tranquille. Nous allons nous poser sur la Dutch bay, face à la mer. C’est ce qui est prévu au programme, la mer et rien d’autre. L’océan, la forme parfaite de la petite baie, le sable clair et l’eau limpide, le froufrou des vagues, la claque puissante du reflux à marée haute, les petits poissons qui viennent nous grignoter les pieds, les bateaux de pêche, les taches de couleur des coques sur la surface bleue, les pêcheurs, les filets, les montagnes de cordages sur la plage, les familles qui se baignent, les chiens errants qui jappent et coursent quelques passants… Le spectacle sur la plage nous contente. Rien de plus à faire que de laisser le temps passer ! Le soleil brûle en milieu de journée, nous nous mettons à l’ombre de la maison. Nous profitons de longues baignades dans cette mer transparente et si délicieuse. Nous laissons le temps filer comme le sable entre nos doigts de pied. Nous allons quand même voir le temple hindou de Trinco posé sur un pic rocheux surplombant la mer, avec son immense statue bleue de Konesvaram, ses cages à souhait et ses pièces enroulées dans un bout de tissu sensées aider à la réalisation de ses vœux les plus chers.

Quitter Trinco et l’accueil délicieux de notre guesthouse nous arrache momentanément à cette douce langueur que nous retrouvons aussitôt à Uppuveli, une plage située à 5 km au nord de Trinco, sur une très belle anse. La plage rassemble pas mal de petits hôtels, mais rien de trop bétonné encore. Les pêcheurs lancent leurs chaluts ici aussi dans la fin de l’après-midi et les remontent lentement dans une chorégraphie mesurée, vieille de mille ans, qui s’imprime à chacun de leur pas dans le sable.

La fin du séjour approche. Nous rejoignons en trois heures et en tuk-tuk Passikudah, toujours sur la côte est, à travers les rizières. Ça pétarade mais ça avance bien ! Puis nous reprenons la route entre Passikudah et Kandy, qui, lorsqu’elle monte sur le plateau, s’avère vertigineuse mais magnifique. On se rend bien compte que les côtes et les plaines bordent le pays et qu’en son centre, l’île garde un cœur montagneux et escarpé, comme protégé dans un écrin de nature. De Kandy, où nous retrouvons la fraîcheur et les embouteillages, nous rejoignons Negombo par une très belle route en train. Encore une fois, la vue panoramique est à couper le souffle, entre rizières et océan déchaîné, et les gens adorables engagent facilement la conversation, ce qui fait agréablement passer le temps. A Negombo, on est hors saison. Cela prend tout son sens maintenant que l’on voit l’océan trouble, impraticable, qui fait un bruit assourdissant. Le fish market n’est guère plus invitant avec les poissons qui sèchent sur des bâches à même la plage, sur des centaines de mètres, dans une odeur pestilentielle. L’église catholique Saint Mary’s aux plafonds peints de grandes fresques est plus accueillante. Il n’est pas rare à Negombo de pouvoir croiser dans une seule rue une église, une mosquée, un temple hindou ou bouddhiste dans une indifférence totale… La plage immense invite tout simplement à de longues marches le long de la mer qui gronde, dans l’odeur d’embruns. Les pieds s’enfoncent et font crisser le sable. Tout l’air palpite sans répit dans le tapage des vagues et le souffle du vent assourdissant.

C’est face à la mer que nous passons notre dernière soirée, nos derniers instants de voyage. Au Sri Lanka. En tour du monde. Et comme le monde est généreux et pas rancunier, il nous offre un magnifique coucher de soleil sur l’océan indien pour saluer notre aventure, et nous laisser partir sur d’autres horizons, vers d’autres lendemains.

So long, les Echappés…



VOUS AVEZ AIMÉ ? PARTAGEZ !

D'autres articles sur le même thème

Un commentaire ou un avis ? C'est ici