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Carnet de voyage Ile de Pâques: l’Immémoriale

par Anne
Ile de Paques

(du 29 octobre au 2 novembre)

Eh ! Tu sais ou on est ?

Rapa Nui. Autrement dit, l’île de Pâques. C’est notre première halte dans le Pacifique, perdue entre le continent sud-américain et la Polynésie. Déjà ça, ce n’est pas rien ! Dans notre petite tête, c’est l’extase totale. Nous sommes de l’autre côté des océans, à l’autre bout de la terre. Loin de tout, et même encore plus loin. Il faudra qu’on se le répète tous les jours pour y croire : « Eh ! Tu sais où on est ? ».

L’île de Pâques est une étape attendue, même si au final, on ne sait pas trop à quoi s’attendre…  A notre arrivée, la surprise est de taille : connue surtout pour la présence des Moaï, cette armée de monolithes répandue à travers toute l’île, elle recèle également une beauté sauvage extrêmement attractive, loin de la terre pelée que l’on avait en tête. Le chaud humide nous accueille sur le tarmac, quelques gouttes de pluie qui deviendront une grosse averse dans l’après-midi. Qu’à cela ne tienne, l’accueil traditionnel, collier de fleurs et sourire franc est bien là. Patrice, pascuan d’adoption depuis plus de 25 ans, nous met à l’aise et nous guide dans notre première approche de l’île en toute sympathie. Le bungalow, face à la mer, nous offre le Pacifique à perte de vue et le bruit de la mer pour se bercer. Ok, et les nuages aussi…

Rapa Nui est volcanique, noire de cœur. L’île s’est formée sur trois volcans et compte plus de 70 volcans mineurs, tous éteints, qui la façonnent, ondulante. La végétation est vibrante, la nature se charge de couvrir l’île d’herbe verte, de capucines orange et d’érythrines rouge sang. L’unique route tourne autour de l’île et suit la côte, on vit perpétuellement entre terre et mer. Les vaches paissent au bord des chemins, les chevaux en liberté suivent leur instinct grégaire et traversent la chaussée sans prêter attention une seule seconde aux voitures qui passent. « Eh ! Tu sais où on est ? ».

Sur ce petit caillou d’à peine 23 km sur 12, 6000 habitants vivent entre mémoire et modernité. 6000 humains et 887 Moaï dressés sur leurs ahus, veillant sur l’île de leur air absent, lèvres serrées et front haut. Ce qui est frappant et inattendu, c’est qu’il y en a beaucoup et partout ! L’île est un immense musée à ciel ouvert que nous visitons en toute liberté. Nous repassons 15 fois aux mêmes endroits pour à chaque fois nous émerveiller de la même façon. La lumière et le ciel changeant donnent à chaque visite une couleur spécifique, une nuance particulière. Parmi les incontournables, la carrière de Rano Raraku ou étaient taillés les Moaï, comme animée par la multitude ahurissante de statues qui s’y trouvent encore ; La plage d’Anakena sur laquelle se découpe la silhouette massive des Moaïs du site de Ahu Nau Nau et qui nous accueille le temps d’une baignade avec son sable blanc et ses cocotiers ; Les 15 Moaï parfaitement alignés de l’ahu Tongariki, sur fond de mer agitée ou de bleu azur, selon le jour et l’heure de la visite ; on se laisse hypnotiser par l’ahu Tahai, le plus proche du village, avec le Moaï Ko Te Riku et ses yeux restaurés ; L’ahu Aviki, le seul qui fait face à la mer ; sans oublier le village d’Orongo, sur le volcan volcan Rano Kau, fief du culte de L’homme oiseau. « Eh ! Tu sais où on est ? ».

Au fur et à mesure de nos lectures et de nos visites, nous découvrons l’histoire tourmentée de Rapa Nui. A plus de 3700 kilomètres du Chili et de 4000 km de la Polynésie, de qui tient-elle le plus ses origines ? Plusieurs théories là-dessus. Toujours est-il qu’entre le VIII et le XVII siècles, une douzaine de tribus se partage les terres et développe un culte aux ancêtres singulier, par lequel les familles érigent en l’honneur de leurs ancêtres des statues de basalte, les fameux Moaï. Dressés sur un promontoire sacré, l’ahu, dos à la mer et face aux maisons, ils veillent sur leur clan. Selon la tradition, chaque Moaï porte la responsabilité de la partie du monde qu’il regarde. De plus en plus imposants, de plus en plus ouvragés, ils doivent apaiser les dieux et protéger l’île.

Un beau jour de Pâques de 1722 (il n’y a pas de hasard !) le hollandais Roggeveen accoste sur son rivage. Les Moaï sont alors encore debout et la société pascuane prospère. Mais après 1680, l’île, vraisemblablement surpeuplée et à court de ressources, est en proie à des querelles entre tribus et les Moaï des clans adverses sont jetés à terre en guise de représailles. C’est le début de la décadence. A la même époque, le culte de l’Homme-oiseau émerge et les Moaï gisent, totalement inutiles, ignorés, pendant des décennies.

La population pascuane est décimée au cours des années suivantes lors d’épisodes historiques funestes. L’île de Pâques subit tous les affronts, entre pillage et oubli et avec eux, Le savoir ancestral disparaît peu à peu. Les raids des esclavagistes péruviens (1859- 1863) et les épidémies font chuter la population à une centaine d’habitants. Ils sont alors réduits en esclavage par un certain Dutrou-Bornier qui s’autoproclame roi (1868- 1876), et ceux qui le peuvent encore fuient leur île. En 1888, c’est l’annexion par le Chili. l’île est totalement délaissée, terre inutile au milieu de l’océan. Elle sert alors de parc pour l’élevage de moutons, et les pascuans sont cantonnés sur leur propre terre dans la réserve de Hanga Roa (6% du territoire), jusqu’en 1953.

La culture pascuane, celle d’un peuple dénigré, ignoré, oppressé, est bafouée durant toutes ces années. Vouée à disparaître, la tradition orale s’étiole au fil du temps en même temps que la population. Mais le mystère de ses origines, l’incroyable richesse de son patrimoine et la passion de quelques hommes dont le missionnaire Sebastien Englert, l’antropologue William Mulloy, et l’archéologue Heyerdahl qui consacrent leurs travaux et leur vie à la préservation de la culture rapanui redonneront à l’île de Pâques, petite île noire fascinante perdue au milieu du Pacifique, sa dimension universelle.

Difficile de décrire toutes nos impressions…. Nous avons beaucoup, beaucoup aimé notre escale à Rapa Nui. Nous faisons partie dorénavant des « happy few » à être allés à la rencontre des Moaï. C’est une aventure extraordinaire, un moment unique. On a beau s’y attendre, à défaut de s’y être vraiment préparé, se retrouver devant un Moaï, c’est un temps fort, magnétique, quasi religieux.

Perdue dans son mystère, Rapa Nui envoûte, enchanteresse. Immédiatement, la magie opère, à tel point que 4 jours nous paraissent bien ridicules pour la découvrir, et on serait bien restés pour quelques jours mémorables de plus… Mais nous n’avons prévu qu’un an de voyage et un budget non extensible ! D’autres destinations nous attendent. Direction la Polynésie et ses îles paradisiaques, nous sommes curieux et aussi un peu impatients d’aller goûter à la douceur de vivre des îles de la Société ! Et hop ! On range les blousons dans le fond du sac à dos, place aux maillots de bain !

Nous emportons dans notre cœur le souvenir de ces belles journées passées à regarder courir nos enfants, insouciants et chanceux, sur une île rocheuse aux reflets verts, gardée jalousement par une armée de silhouettes solennelles dont le mana erre certainement encore entre les herbes folles, les nuages blancs et le fracas de la mer.



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