Accueil Suivre nos aventuresLe carnet de voyage Carnet de voyage Philippines (1ère partie): 7107 îles et autant de sensations

Carnet de voyage Philippines (1ère partie): 7107 îles et autant de sensations

par Anne
Philippines

(du 5 février au 15 mars 2015)

Les Philippines, c’est un pays qui me fait rêver depuis des années, depuis qu’un guide de voyage m’est tombé dans les mains, avec sa couverture délirante de mer transparente, de sable blanc, et de bateaux traditionnels posés là, sur une plage déserte. Autant dire que mon attente du pays, se résumant à cette seule photo, occultait complètement la réalité d’un pays dispersé sur 7107 îles, toutes différentes, chacune avec ses spécificités et son caractère propre.

7107 îles, c’est vraiment, vraiment beaucoup. Il faut faire un choix, encore et toujours. Dès le départ, nous établissons un simili-programme dans lequel nous optons pour le sud de Luzon, l’île principale où se trouve Manille. Nous voulons ensuite découvrir dans l’archipel des Visayas l’île de Bohol, puis la petite et authentique Siquijor et enfin Apo island et ses sites de plongée. Pour finir, nous voulons rejoindre la médiatique Palawan et l’archipel de Bacuit.

Nous laissons tomber le nord de Luzon, dont les rizières et certaines églises coloniales sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco, faute de temps et de courage devant la longueur des trajets. Les plages et les îles seront le point fort de notre périple, qu’on se le dise !

Un sourire bien caché…

Arrivés en Asie, le sourire devient un incontournable, dit-on.  Nous, on perd le nôtre dès notre arrivée. Nous atterrissons tard un vendredi soir, et nous mettrons trois heures à parcourir les douze malheureux kilomètres qui nous séparent de notre hôtel dans le quartier de Makati. Nous n’en mettrons que vingt minutes le lendemain… C’est l’heure ou les philippins quittent la ville pour le week-end. Et pour en rajouter une couche, c’est la semaine de vacances qui précède le nouvel an chinois. Autant dire qu’il y a du monde aux portes de la ville et que pour nous, ça s’annonce mal ! Dans notre embouteillage monstre à onze heures du soir, nous avons en revanche bien le temps d’admirer les jeepneys, ces minibus à la tête de jeeps, totalement customisés à coup de chromes et de bombes de peinture, de rideaux en dentelle et de statuettes de vierges bleues, les bras ouverts et la tête penchée, réconfortantes en cette heure tardive. L’aéroport est une vaste zone de chantier, et Makati un quartier de tours serrées et mornes au pied desquelles on devine le quartier chaud, et si l’on se penche un peu et qu’on cherche bien entre les tours, on voit les toits de tôle de la misère. Le ciel est zébré de fils électriques, comme des hachures sur un brouillon de ville. Manille, de planche et de verre. Nous ne voulons pas rester dans cette mégalopole capricieuse et renfrognée.

Rencontre du troisième type à Donsol

Dès le lendemain, nous rejoignons Donsol, au sud de Luzon. Atterrissage à Legazpi, au pied du mont Mayon. Nous entrapercevons le pied de son cône parfait, mais son sommet reste perdu dans les nuages. De là, nous faisons route pour Donsol. La route tourne et vire, à travers le vert de la végétation, l’éclat des feuilles, leur lustre, leur brillance, la fluorescence des pousses de riz dans les rizières. Les villages en nipa, un tressage savant de feuilles dont on construit les murs des maisons et les toits, se suivent, enfouis dans la végétation. On imagine les conditions de vie plus que rudimentaires des villageois. Sur la route en travaux, les enfants règlent la circulation à coups de petits fanions rouges ou verts qu’ils agitent furieusement. La chaleur, la moiteur, la pluie fine. L’air infiniment plus dense de l’Asie. Nous y voilà.

Donsol, c’est une petite ville poussiéreuse et tranquille. Notre hotel-resort philippin – traduire par sans grand charme et plutôt bétonné – est en dehors de la ville. Les quelques kilomètres qui nous séparent du centre sont pour nous l’occasion de faire connaissance avec un autre moyen de transport local, le tricycle. Une institution dans ce pays ! Une moto, une carriole en ferraille plus ou moins rouillée et/ou ressoudée, généralement repeinte à neuf pour cacher la misère, avec très souvent un verset inspiré de la bible peint à l’arrière, on se sent ainsi en sécurité ! C’est l’éclate pour Anatole qui a le droit de s’asseoir devant le chauffeur et de conduire la bécane, pendant que Lucie joue les amazones, élégamment assise derrière lui. A nous deux, Fabrice et moi, on s’entasse, avec les sacs, on remplit déjà bien l’etroite cabine passagers ! C’est qu’on est légèrement « oversized » dans le coin… Et dire qu’il peut tenir jusqu’à sept personnes là-dedans !

Le jour où nous partons en bateau pour essayer de voir des requins baleine, le ciel gris se dissout dans la mer. Les bangka, ces embarcations légères typiques de la région sont posées comme des gerris qui courent sur l’eau. Le temps n’est pas de notre côté, mais qu’importe ! Nous sommes excités comme des puces. Nous suivons un briefing très sérieux avant de monter sur le bateau. Notre guide nous avertit, il n’est pas question d’hésiter lorsqu’il nous dira de nous mettre à l’eau. On a la méga-pression ! Après une petite heure de navigation, le capitaine a repéré quelque chose, nous nous préparons vite, palmes, masque et tuba et nous nous asseyons les jambes hors du bateau sur le rebord, fin prêts. Le bateau pivote. Tout se passe alors très vite, notre guide hurle « Go go go !» et se jette à l’eau. Lucie et Papa sautent. Anatole ne peut y arriver seul alors je le prends sous les bras et le balance par-dessus bord. C’est un geste absolument pas naturel pour une mère ! Je saute à sa suite, ouf ça va bien, je récupère mon fiston. Le bateau file au loin, nous rejoignons le guide, Fabrice et Lucie, nous palmons maintenant frénétiquement, et là !!! Le voilà, une énorme masse bleutée et tachetée de blanc qui nous passe devant le nez, j’en devine la nageoire, le long corps et j’en vois la queue avant qu’il disparaisse dans le bleu sombre de la mer à vitesse grand V. Notre guide nous dira que celui-ci devait faire environ 8 mètres. 8 mètres de requin mais totalement inoffensif, placide, et si gracieux dans l’eau. Tout ça en une minute, pas plus… Nous tournerons encore deux heures en bateau avant d’abandonner, pas d’autre requin pour nous… A notre retour, nous lirons dans le rapport du centre d’observation que seulement quatre individus ont été repérés cette semaine, et, en général, on n’en voit qu’un seul par jour, c’était notre jour de chance !

Il faut savoir qu’il y a deux endroits aux Philippines pour croiser les requins baleine. A Donsol, où l’activité est contrôlée par un bureau du tourisme, et on aime à croire (même si au vu de notre expérience, on peut en douter) que les règles sont respectées : nombre réduit de bateaux au départ du port, nombre réduit de plongeurs à côté de la bête, ne pas toucher l’animal et surtout ne pas lui donner à manger. A Oslob, en revanche, au sud de Bohol, les requins baleine sont dans un certain sens apprivoisés puisqu’ils suivent, dociles, le bateau qui les nourrit pendant que les bateaux de touristes tournicotent autour d’eux pour que leurs passagers puissent aller faire des selfies avec leur go-pro. A défaut de statuer sur le fait de nourrir les requins ou de faire des selfies à tout va, nous avons aimé l’expérience de Donsol car, à nos yeux, rencontrer un requin baleine et pouvoir nager à ses côtés reste quelque chose de totalement exceptionnel. Nos trois heures de mer pour 10 secondes uniques nous ont enchantées parce que le suspense, la pression et l’hallucination de notre aventure ont sublimé cette rencontre surnaturelle. C’est bien plus marquant qu’un selfie, moi je dis.

Errance entre Donsol et Cebu

Retour A Legazpi, toujours sur Luzon. Le temps qui nous y attend est catastrophique, une pluie drue et un ciel plombé nous accompagnent depuis notre départ de Donsol. Nous sommes à l’aéroport pour trouver un vol qui nous emmènera à Cebu. Certains vols sont annulés en raison de la pluie incessante. Les gens qui devaient rentrer à Manille après le week-end se trouvent pris au piège, et a priori c’est monnaie courante, les retards et les annulations, ici. On croise des passagers qui sont à la recherche de covoiturage, une douzaine d’heures de route pour rejoindre Manille. Bonjour l’ambiance à l’aéroport. Nous arrivons cependant à booker nos vols pour le surlendemain.

Legazpi en soi n’offre pas grand-chose à voir, mis à part une grande église franciscaine à Daraga datant de 1773 mais que nous ne pourrons pas visiter en raison d’un enterrement – les enterrements durent très longtemps par ici, nous avons le temps de déjeuner et de tournicoter autour de l’église en espérant la fin de la cérémonie, peine perdue – et une boulangerie qui fait d’excellents biscuits. Le Mont Mayon se moque de nous en se cachant encore la tête dans les nuages, décidément, les volcans et nous… Nous partons le lendemain, direction Cebu et les îles des Visayas.

Cebu city, sur l’île de Cebu est une grande ville, la deuxième des Philippines. Sale, bruyante et grouillante. Ici encore, tas de tôles et piles de béton, la ville en construction, chantier immense et plein de poussière. Comme à Manille, les inévitables embouteillages ont l’avantage d’être beaux avec des jeepneys et des tricycles savamment décorés et rutilants. Malgré tout ce fatras, ce sera une de nos étapes les plus culturelles, car la ville compte quelques monuments historiques qui font défaut dans le reste du pays. Nous allons y admirer la croix de la chrétienté que Magellan a plantée dès son arrivée sur l’île en 1521, le fort San Pedro qui surplombe la place où des jeunes s’entraînent à des chorégraphies rock, puis l’église de Santa Nino, humble et modeste, précédée d’une large esplanade moderne où l’on imagine la ferveur des fidèles durant la messe, musique pop et paroles des cantiques sur grand écran, façon karaoké. La partie ancienne est jolie, plus conforme aussi avec son cloître, sa nef, ses retables, ses dorures et les statues des saints, hyper lookés avec leurs riches robes d’apparat. Dans une petite chapelle, le Santo Nino, représentation d’un petit Jésus vieux de quelque 500 ans, que l’on dit miraculeux, petit poupon joufflu vénéré dans tout le pays, attend qu’on vienne lui adresser des prières. Pour bien capter son attention, les pèlerins n’hésitent pas à cogner contre la vitre de protection, « toc-toc, qui est là ? », ça me fait sourire.

L’année du Singe à Bohol

Depuis Cebu, nous prenons un ferry pour l’île de Bohol. Petit bout de terre bosselé, bien endommagé par le dernier tremblement de terre de 2013 comme en témoigne l’église coloniale jésuite de Baclayon, l’île recèle des trésors singuliers. D’abord les tarsiers, ces petits primates aux yeux immenses, drôles de spécimens nocturnes et fragiles. Et puis les Chocolate hills, 1268 collines, dépôts de corail érodés, arrondis et éparpillés dans la plaine verte, monument géologique national dont on ne connait pas vraiment l’origine. Lorsque nous allons les voir, la pluie s’est arrêtée et laisse la place à une belle couverture nébuleuse qui vient s’enrouler autour des collines comme du papier de soie, terre fantaisiste nimbée de brume, variante de vert en vert, celui des palmiers, celui des rizières, un décor de conte mystérieux et féerique.

L’île de taille moyenne est donc assez touristique, mais c’est surtout sa longue plage de sable blanc, Alona Beach, sur la presqu’ile de Panglao dans le sud, qui attire les foules. Malheureusement, la plage est prise en otage entre les resorts chinois au luxe ostentatoire kitsch et les bangkas traditionnels. Nous sommes déçus par la déferlante touristique qui inonde le coin. C’est le revers de la médaille d’une destination trop parfaite. L’offre touristique balbutiante se prostitue aux demandes insensées d’un tourisme avide de loisirs factices à la Disney, de selfies et d’activités de masse. Pour preuve, cette excursion sur le bateau le long de la rivière verte de Loboc, véritable hérésie touristique, durant laquelle on fait halte chez la tribu Ati. Là, des enfants qui dansent tendent la main et demandent la pièce, les jeunes garçons montrent des lézards ficelés et muselés au chatterton, et le groupe de touristes qui se prend en photo à tout va moyennant un billet à chaque clic ignore superbement la dextérité de la grand-mère tisseuse et en oublie d’écouter les musiciens concentrés. Dégoût.

A Alona, en cette veille de nouvel an chinois, une grande partie de la population touristique est chinoise, des familles en congés, avides de vacances au soleil. Et le touriste chinois, un peu rustre, bruyant, grégaire, peu accoutumé à côtoyer des européens n’est pas un voisin de chambrée d’hôtel des plus sympathiques. Voici que je me prends à faire des généralités…. Ceci étant dit, cette promiscuité avec un tourisme effroyable ne me fait pas oublier la transparence de jade de la mer et sa température paradisiaque. La plage est belle, si l’on pousse les perches à selfies.

Nous fuyons vers le nord, direction Anda. Depuis Tagbilaran, c’est l’histoire de deux heures trente en bus local, à charger, décharger, charger, décharger et recharger des passagers… Heureusement, la route est splendide, on longe la mer pour arriver à destination. Peu de kilomètres, mais beaucoup de virages et des arrêts fréquents annoncés à gros coups de klaxon, pas de tout repos, le voyage !

Petite bourgade loin des hordes de touristes massés sur leur serviette, Boracay Anda (à ne pas confondre avec le Boracay touristique), c’est une ville paisible avec une longue plage blanche tranquille et une eau bleue transparente à se damner. Il faut aussi évoquer la température de l’eau, on y rentre si facilement que ça en est gênant !

A Anda, les principaux pôles d’activité sont le marché, l’église et la plage. Ca nous va bien. On a comme l’impression de rencontrer enfin la vraie nature des Philippines, sereine, débonnaire, avec son rythme lent et sa vie tranquille. Nous y prenons vite nos habitudes. Tous les matins, à marée basse, nous regardons les bangkas se balancer au gré des vagues, attendant d’aller se dégourdir les pattes à la tombée du jour quand les pêcheurs s’en vont chercher le poisson sur une mer étale qui capture le crépuscule. La nuit, les étoiles éclatent de lumière dans un ciel noir à la profondeur insondable. La baignade dans la mer devient notre principale activité. Une fois, le vent se lève, souffle fort, les vagues enflent, et nous partons jouer à nous faire chahuter par les rouleaux avec Anatole. Mais la plupart du temps, allongée en étoile sur l’eau calme, bercée par les vagues, les yeux levés vers un ciel sans nuage, avec comme seule compagnie le soleil et les oiseaux, je me sens extrêmement détendue et chanceuse d’être ici.

De retour à Tagbilaran après cette jolie découverte qui nous réconcilie avec Bohol, nous apprenons trois leçons à nos dépends : toujours écouter la personne du coin, ne pas faire confiance à Internet et ne jamais se croire plus malin. L’idée était de quitter Bohol aujourd’hui, nous sommes donc redescendus en bus jusqu’au port de Tagbilaran mais le bateau pour Siquijor ne part que tous les 3 jours, et… ce n’est pas aujourd’hui mais demain, comme on nous l’avait bien dit, et non comme le stipulait le site internet officiel de Cebu ! Nous voilà coincés à Tagbilaran… nous réservons nos billets pour le bateau du lendemain, vexés et un peu honteux, bien décidés à mieux écouter dorénavant les gens du cru.

Un petit tour et puis s’en vont…

Dix fois plus petite que Bohol, moins accessible, Siquijor (300 km2 et quelques) est définitivement moins prise d’assaut par les touristes chinois. A moins qu’ils ne soient repartis, maintenant que les festivités du nouvel an sont passées. Nous logeons sur la plage, le soleil nous offre tous les soirs un magnifique spectacle, le ciel et la mer par touches orangées, les dégradés du ciel dans l’eau, des couleurs exaltées, des ombres portées, des formes contrastées, les bangkas, les palmiers, les silhouettes des hommes, découpes nettes et précises, tableau vivant qui s’efface à la nuit, laissant le bleu gagner le large, s’inclinant devant la pénombre.

Nous faisons les ados en scooter pour aller découvrir l’île. La route est si belle ! On traverse des villages, des rizières, des bois clairs, la végétation est prolifique et si variée. On regarde les gens qui nous regardent passer. Nous tombons par hasard sur l’église St Antoine de Padoue, plafond aux nuances naturelles et délavées de bleu et son couvent qui lui fait face, avec son air désolé. Parfum d’un temps révolu, les parquets de la bâtisse, lustrés par les ans, brillent de leur surface uniforme. Plus loin, aux chutes de Cambugahay, des jeunes roulent des mécaniques et se jettent du haut de la cascade en acrobaties impressionnantes dans les eaux laiteuses et fraîches des piscines naturelles. Nous nous arrêtons déjeuner, puis continuons de rouler le nez au vent. Nous nous arrêtons sur la plage de Kagusan, une enfilade interminable de petites criques isolées au pied d’un escalier, où des familles barbotent en ce dimanche après-midi. Ca fait du bien de se rafraîchir, la nuque cuit sous le soleil et l’air et même le vent brûlent.  Au retour, nous nous arrêtons à la coopérative laitière de Cangmunag. Un bien grand nom pour cette toute petite échoppe un peu passée, plantée dans un village, loin de la route principale ! Il faut aller chercher la vendeuse chez elle pour qu’elle nous ouvre les portes de la boutique. Le yaourt entier et bien frais coule dans nos gorges. Pour parfaire cette belle journée, nous snorkelons au sanctuaire marin de Tubod offrant en spectacle étoiles de mer, oursins géants, porcelaines, poissons clown et jolis coraux. Et dire que nous n’avons visité qu’un tout petit quart de l’île…

Apo Island – le bal des tortues

Depuis Siquijor, nous empruntons le bateau d’excursion d’un l’hôtel chic pour rejoindre l’ile d’Apo sans repasser par Bohol. Apo, petit caillou sec et rocailleux posé sur l’eau avec son village qui vit à l’heure du soleil. Les conditions de vie sont spartiates, électricité fournie par des générateurs électriques de 18h à 22h seulement et eau collectée au puits et amenée au village en bidons par les habitants qui se relaient. Le clou de l’île, c’est le sanctuaire marin qui prend soin des coraux et de la faune sous-marine alentour. Fini la pêche à la dynamite, les pêcheurs se sont reconvertis en guides et c’est pour notre plus grand plaisir. Si l’on se met à l’eau, on croise multitudes de poissons colorés, rascasses ondoyantes, poissons cochers, étoiles de mer couleur lavande. Plus incroyable et inattendu, nous n’en croyons pas nos yeux, nous nageons avec de belles et grosses tortues vertes ! Nous en croisons trois en un quart d’heure. Paisibles comme des agneaux broutant les algues, ces mastodontes n’éprouvent pas la moindre peur devant nos efforts agités pour les suivre. Enormes, elles évoluent, placides, avec grâce, si agiles sous l’eau qu’elles semblent danser. Leurs carapaces prennent des teintes chatoyantes sous l’effet loupe de l’eau et on a presque l’impression que les motifs vibrent et ondulent commes des spirales s’enroulant sur elles-mêmes.

La vie à Apo est rythmée par l’arrivée de quelques bateaux de tourisme pour le snorkel, les départs en plongée, et la fin de journée, lorsque le village se retrouve sur la plage au crépuscule. C’est le moment que je préfère. Assise au balcon, je surplombe la plage et je m’emplis du moment. Le port s’éveille à la nuit, les enfants viennent jouer dans le sable, les jeunes rient fort, filles et garçons s’observent, les parents s’agitent, poussent des bidons, tirent des sacs, s’affairent. Une clameur sourde et tranquille s’élève lorsque le soleil n’écrase plus les hommes à terre. Dans la fraîcheur de l’air du soir, l’élan de vie.

Nous reprenons la mer pour rejoindre Malapatay sur l’île de Negros, sur un bangka traditionnel, certes plus grand mais tout aussi fin et fragile que ceux que les pêcheurs utilisent. A Negros, nous ne faisons que passer. De cette île, nous reprenons un gros ferry pour relier Cebu via Siquijor (Pour ceux qui suivent….) et nous prenons l’avion le lendemain direction Palawan et l’archipel de Bacuit, plus à l’ouest. Car c’est ça aussi, les Philippines, de l’eau entre 7107 univers, et des trajets interminables pour les relier entre eux.

Depuis notre arrivée, les Philippines me déstabilisent. Oui, nous nous baladons tous les jours dans des décors de carte postale absolument incroyables, nous nous baignons dans des eaux tièdes et sirotons à l’apéro une bière fraîche face à la mer, sur des plages splendides devant des couchers de soleil magnifiques. Mais il me manque un je ne sais quoi depuis notre arrivée… la dimension culturelle, peut-être, que je trouve très peu mise en valeur ? Je suis en manque de monuments, d’histoire et de patrimoine. Et puis, il faut le reconnaître, sans vouloir être injustes, on est loin de l’accueil souriant de Thaïlande ou du raffinement balinais. La cuisine est bof-bof, peu de saveurs et quasiment jamais de fruits frais et si peu de légumes proposés, pourtant c’est le nerf de la guerre, l’alimentation, en tour du monde ! Dans les hôtels sans charme au confort sommaire (notamment la literie : les philippins sont petits et menus… Les lits sont donc courts et étroits !), au service assez peu courtois et d’une lenteur intenable, il est très fréquent de ne pas pouvoir commander un plat figurant pourtant sur le menu, même de simples pancakes – Anatole a même craqué en éclatant en sanglots (du coup le cuisto tout penaud s’est empressé d’aller refaire de la pâte…)! Disons que je suis surprise, et parfois un peu déçue par tout ce côté brouillon. En fait, ce pays fait faire au voyageur un bond en arrière d’une vingtaine d’années, c’est une destination finalement beaucoup plus routarde qu’il n’y paraît en comparaison de celles que nous avons traversées en Asie. Ca c’est la bonne nouvelle pour les amateurs d’authenticité.

La moins bonne tient en une question : la découverte d’autres modes de vie que nous sommes si fiers d’offrir à nos enfants est-elle en train de nous lasser au point que nous ne puissions plus passer outre nos petits soucis d’européens blasés ?



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