Accueil Suivre nos aventuresLe carnet de voyage Carnet de voyage Philippines (2ème partie): 7107 îles et autant de sensations

Carnet de voyage Philippines (2ème partie): 7107 îles et autant de sensations

par Anne
Philippines

(du 5 février au 15 mars 2016)

On ne peut pas aimer tout, tout le temps

Je me sens quand même un peu injuste envers les Philippines. Loin de moi l’idée de noircir le tableau et d’oublier la beauté des sites de l’archipel que je visite. Le pays possède une beauté brute extrêmement frappante, d’une grande variété, absolument unique. Et si j’admire la capacité de la nature à se montrer dans sa plus simple expression, je suis assez sceptique quant à la façon dont ce trésor national, cette richesse inestimable, fragile et surtout périssable est exploité. Rien malheureusement ne lui garantit un avenir brillant et ç’est bien ce qui me chiffonne.

Les Philippines sont avant tout une destination « soleil » qui possède des atouts indéniables pour tous les amoureux de la nature et des fonds marins. Seulement, ce patrimoine a un énorme besoin d’être placé au cœur d’une attention soutenue et précautionneuse afin de ne pas finir totalement dénaturé par l’arrivée du tourisme de masse, car c’est ce qui l’attend aux frontières. L’émission Koh Lanta, en la mettant dans la lumière des destinations exotiques, a rameuté une foule grandissante de touristes français. Les lignes charters Shanghai-Cebu drainent une population chinoise sans cesse croissante qui pousse au surdéveloppement touristique à outrance. Cet essor a besoin d’être encadré, sinon ça risque de devenir assez vite du n’importe quoi. La protection de l’environnement doit rester un critère primordial dans les choix de développement pour un tourisme durable et respectueux, et je ne parle pas uniquement de ramassage des ordures, même si c’est certainement une des priorités premières aujourd’hui. Je parle aussi de bon sens. Les philippins prennent lentement conscience qu’il leur faut agir, des associations locales se montent pour travailler à la préservation de cet environnement hors du commun. A El Nido, Fabrice a assisté au nettoyage de la plage par les hommes du village. A Apo Island, c’est la communauté villageoise qui a établi le sanctuaire marin, même si au départ, elle était plutôt dubitative. Il faudrait que les promoteurs immobiliers s’y mettent aussi, ceux qui enlaidissent le pays à coup de bétonnière, d’où l’immense chantier de construction que sont la plupart des lieux dignes d’intérêt puisqu’on manque cruellement d’hôtels, et que ceux qui existent pratiquent des prix prohibitifs et un accueil que nous avons trouvé très distant, loin de notre image d’Epinal. Et si je creuse un peu plus loin, le patrimoine culturel aurait besoin lui aussi d’être chouchouté. Le pays ne manque pas de culture, bien au contraire, il a la sienne propre, fortement ancrée dans son histoire. Colonisé par les espagnols, c’est le seul pays catholique de la région, donc pas de temple ni de pagode aux quatre coins du pays, mais des églises, malheureusement peu entretenues faute de moyens pour les restaurer. La domination américaine qui a suivi la colonisation espagnole a laissé des traces également, avec pour conséquence d’aseptiser un mode de vie déjà bien entamé. Dans les villages les plus reculés, on trouve des terrains de basket à la place des terrains de foot, les fast-foods et burgers sont légion et remplacent la cuisine locale tandis que l’anglais est parlé à peu près partout par tout le monde, alors qu’il y aurait plus de 90 langues dans ce pays, et qu’on nous regarde, étonnés, lorsque nous disons « Salamat », merci en tagalog, la langue officielle du pays avec l’anglais.

Les Philippines fait partie des pays les moins développés de la planète, encore une fois, la nation a bien d’autres tracas à gérer avant de se consacrer à l’accueil des touristes. J’espère simplement que cette chance inouïe ne sera pas gâchée dans les années à venir par une course au profit mal pensée, mal organisée et mal encadrée et qu’elle trouvera sa voie entre développement durable et protection de son patrimoine naturel et architectural. Et si, au passage, elle pouvait également retrouver le sens du « beau » et du service, propre à l’Asie…

Palawan – Paisible Port Barton

Après être repassés vite fait sur Cebu, nous atterrissons à Puerto Princesa sur Palawan. C’est une grosse ville qui se modernise à coups de « mall » tout neuf. Nous y passons rapidement, et nous voilà repartis, cette fois-ci par les routes, direction Port Barton, dans un van 9 places où l’on tiendra jusqu’à 18 ! Bien sûr, le chauffeur conduit comme un forcené, il a son aller-retour à effectuer dans la journée. Nous ne profitons pas tellement de la route en raison de sa conduite un peu trop sportive. Les derniers kilomètres, en piste défoncée, secouent bien.

Assise sur une jolie plage de sable blanc, la paisible bourgade de Port Barton se découpe sur fond de végétation verte et touffue de palmiers, manguiers, acacias, papayers… Une rue principale poussiéreuse, des commerces plein de ce fatras sans nom propre au pays, son église vert sapin à la nef sombre invitant à de douces prières et confessions silencieuses et sa longue plage nous conviennent tout à fait pour une nouvelle halte paisible. De petits resorts se serrent le long de la plage, cahutes en nipa et toit de palmes grisées, cuites sous le soleil. Depuis la mer, on voit mieux, Port Barton n’a pas encore été touchée par cette vague de béton délirante, on ne voit qu’une rangée de maisons sur le front de mer, derrière, c’est la végétation qui a encore tous les droits et qui prend toute la place. Des collines douces courent en arrière plan dans un camaïeu vernissé. Au pied des hôtels, les vagues viennent en petite marée s’échouer sur le sable, faisant danser les bangkas, un pas en avant, deux pas sur le côté, sous leurs robes colorées leurs fines jambes arquées, l’élégance et la grâce. La couleur des coques, effacée au lever du jour, s’intensifie et s’aiguise en de fin de journée pour de nouveau s’affadir dans le crépuscule bleuté. La mer aimante toute vie, on se tourne vers elle, elle est magnétique. Aux heures brûlantes, tout le monde se met au frais et attend patiemment que le soir apporte un peu de répit aux terrasses des restos, pieds dans l’eau.

Au loin, dans la mer, une flopée d’îles nous tend les bras. Certaines sont privées, d’autres inhabitées. Nous partons caboter pendant une journée pour essayer de trouver la plage encore plus belle, l’île encore plus déserte, le spot avec les plus beaux poissons et les coraux les plus extraordinaires. Nous déjeunons de poisson grillé sur la plage, de salade fraîche et de fruits, c’est finalement dans la simplicité qu’on aime les Philippines, dans sa générosité élémentaire. Quelques jours passent à ce rythme lent et posé qui nous fait tellement de bien.

l’archipel de Bacuit – l’archi carte postale

Notre dernière étape nous amène à El Nido, au nord-ouest de Palawan, et plus particulièrement sur la plage de Corong Corong. Après l’accalmie de Port Barton, El Nido fait figure de furie. Du monde, des touristes, et des hôtels à ne plus savoir qu’en faire ! Les tricycles ne nous font pas de cadeau, nous qui avions presque oublié de négocier, nous comprenons vite qu’ici, c’est touristique !

Ca bétonne au pied des piscines d’hôtels, dans le moindre espace laissé libre, sur la plage, sur le port, dans un bruit assourdissant. El Nido en soi, c’est un port bondé qui regorge de tricycles, d’échoppes et de restaurants. Corong Corong, au sud, c’est une plage claire et sereine, étroit tapis de sable doux, calme, sans fond. Et encore plus au sud, Las Cabanas, joli arrondi faisant face aux falaises de El Nido avec vue sur l’archipel de Bacuit, le St Trop’ local où on sirote toute la journée un verre en écoutant de la techno. Pourtant, à la pointe nord de Corong Corong, le spectacle est moins réjouissant mais plus authentique, c’est le quartier des pêcheurs qui vivent dans un grand dénuement, bicoque de planches à peine surélevée au dessus de la mer, le coq et le cochon attachés au seuil de la maison, les enfants qui jouent, pieds nus, pas loin du tas de détritus. Malaise.

Le nom de l’agglomération qui regroupe plusieurs villages, El Nido, vient des nids comestibles de salanganes que l’on trouve dans les anfractuosités des falaises de calcaire, et qui se vendent 3500 dollars le kilo. Ca se prépare en soupe, la salive des oiseaux aurait des vertus fortifiantes. A 1200 dollars la soupe, on espère aussi que c’est bon !

La spécificité géologique du coin, ce sont ces silhouettes massives au loin, celles des 45 îles de l’archipel de Bacuit qui offrent un paysage paradisiaque de formations calcaires hautes et noires qui surgissent de la mer, aiguisées comme des couperets. Décor surréaliste et saisissant, on peut partir en bateau à la découverte d’innombrables lagons, grottes, et de plages de rêve. A marée basse, certaines îles semblent en lévitation, toutes légères. Notre quotidien tourne encore et toujours autour de la mer bleue de Chine. Mer scintillante sous le vent, sable blanc et fin, palmiers bruissants et ondulants comme des chevelures de femmes, bangkas en équilibre tels des funambules, tout y est. Nous sortons en mer presque tous les jours, pour passer d’une plage à une crique à une île… et recommencer. Kommando beach, Papaya beach, small lagoon, big lagoon, hidden beach, Snake island, Cathedral cove, Cadlao, Pinaglugaban Island et j’en oublie… Par la route aussi, le décor est enivrant. Un jour, nous partons en scooter à Nacpan, une plage idyllique situé au nord à moins d’une heure de El Nido, étonnamment préservée, encore vraiment déserte. Là encore, le bleu de la mer, la chaleur du sable, la brise qui rafraîchit. Et puis le silence.

A Corong Corong, le soir, la mer s’embrase au contact du ciel enflammé. Et tous les jours, le soleil couchant, sans cesse renouvelé, s’offre en spectacle. Au crépuscule, il vibre, incandescent, et  inonde le ciel puis s’apaise jusqu’à s’éteindre en coulant dans l’eau sombre.

Nous terminons ce voyage dans un pays qui déroute, entre frénésie de vie et décors de carte postale. Avec son côté irréfléchi et juvénile, Les Philippines est un pays aux allures de chien tout fou, où rien n’est jamais acquis. Ce n’est pas l’étape la plus facile du voyage, mais en revanche, une des plus belles, une découverte de chaque instant qui nous laisse une empreinte à la fois multiple et contradictoire. Un pays qui questionne indéniablement quant à l’impact que nous représentons, nous les touristes, aussi honnêtes que nous soyons dans notre démarche de baroudeurs partis voir les beautés du monde sans trop l’abîmer, sur le développement d’un pays.

J’ai alors un petit pincement au cœur. C’est fou, ça, c’est toujours à la fin d’une étape, au moment de quitter un pays que je commence à aimer tous ses petits défauts comme autant de charmants tics qui, je le sens, vont horriblement me manquer !

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