A la sortie du port, tombée de la nuit, nuit qui grouille, qui vit. Les quartiers plongés dans l’obscurité multiplient l’ambiance électrique. Gargotes en enfilade, tables branlantes, grill au charbon, fumée odorante, des hommes torse nu montrent leur bedaine, inactifs et las, assis sur des tabourets à même le trottoir défoncé. Motos, jeepneys bondés, tricycles tassés, trois files qui circulent inlassablement, sens et contresens, arrêts inopinés, passagers blasés. Des filles qui marchent, des filles qui s’affairent, à la lumière crue des ampoules, les travailleuses, les cuisinières, les serveuses, les faciles, et puis celles qui ne bougent pas, regard perdu, mains en coupe égarées sur leurs genoux. Les enfants accroupis, hilares, hirsutes, mettant le feu aux herbes folles des caniveaux. L’odeur d’égout et les eaux sales, les détritus, plastique et poussière, la saleté qui recouvre les pieds, les mains. L’obscurité des ruelles, petites frappes tatouées penchées sur leur bécane, regard dur, sourire dur. Les chiens errants, les chats sauvages, dans les poubelles, crottant partout, n’ importe où. Les gamins qui jouent, cherchent leur mère, en criant, en courant. Les échoppes, les façades en tôle, en planches, en bâches plastique déchirée, le néon blanc qui perce la nuit, les sourires aux tables, les pâtisseries, les bols de riz, les assiettes en mélaminé, les petits vendeurs de rue, cigarettes et alcool maison, la débrouille. La puanteur des eaux stagnantes, les seaux vidés dans le caniveau. Les pots d’échappement, le grondement sourd des motos, de la circulation l’incessant bruit, les voitures en mouvement.
Le théâtre insolent de Cebu city, tombée de la nuit.