(15 au 30 septembre 2015)
Cusco – Le nombril du monde inca
Nous voilà arrivés à Cusco, capitale du monde inca, que les conquistadors s’empressèrent de raser au XVIème siècle, en même temps qu’ils écrasaient la civilisation inca, ses croyances, sa puissance et sa grandeur. Bon nombre d’édifices et de places s’élèvent sur les vestiges sacrés de la cité inca. Les conquistadors ont supprimé les lieux de cultes païens pour élever leurs églises et monastères, le message religieux est on ne peut plus clair. Et des églises et des monastères, il y en a un paquet ! La plaza de Armas est gardée par une guirlande de maisons coloniales à arcades qui font face à trois édifices à la déco intérieure bien chargée et reliés entre eux : la cathédrale, la Sagrada Familia et l’Iglesia del triunfo, ne formant plus qu’un immense ensemble mystique imposant . A sa droite, l’Iglesia de la Compania de Jesus, fondée par les jésuites avec sa façade richement ornée ajoute encore un peu à la prestance de la place. Il y a aussi un peu plus loin le monastère de Santo Domingo qui repose sur l’ancien temple du soleil, créant ainsi un étrange mélange de styles et de croyances. Au dessus, c’est la colline de San Blas, ravissant petit quartier qui se perd en un dédale de ruelles et d’escaliers entrelacés autour de son église blanche.
Aujourd’hui, Cusco, sans répudier son passé, c’est les tuiles rouges du quartier historique, les murs de briques des immeubles disparates, les rues blanches de San Blas, les pierres noires des murs incas. Maintenant elle a l’air d’une ville sage et tranquille plantée à 3400 mètres d’altitude, qui a épousé les collines alentour, leurs courbes et leurs dénivelés, et la nuit, les lumières de la ville semblent vouloir quitter la terre et s’accrocher au ciel pour rejoindre les étoiles.
Cusco, c’est aussi beaucoup de touristes et de rabatteurs, des vendeurs de babioles et des femmes en costume traditionnel qui se baladent un mouton dans leurs bras pour la photo touristique.
La vallée sacrée des Incas
Depuis Cusco, nous partons dans la vallée sacrée en voiture privée avec chauffeur. Non sans mal, car pour la petite histoire, nous avions réservé la voiture et pris nos billets de train pour le Machu Picchu auprès d’une agence à Arequipa, mais ces derniers n’ayant pas pu être émis à temps, l’agence nous a mis en relation avec un contact local à Cusco sensé prendre le relais et nous fournir le tout. Peu fiable, notre contact essaie de rogner sur les prestations, et nous devons jongler pour obtenir les services que nous avons achetés, notamment ce périple en voiture privée. Leçon à retenir (il faut toujours apprendre de ses erreurs !): ne jamais payer en avance et en totalité, même si l’on vous remet un voucher. Heureusement notre chauffeur comprend le malaise et se montre beaucoup plus arrangeant sur la route, nous conseillant sur les arrêts à faire et nous informant sur les lieux traversés, en ajoutant des stops impromptus.
Yes ! Voilà le Pérou, le vrai ! Nous voici dans les traces des incas, avec pour commencer le site de Sacsayhuaman, au dessus de Cusco. Forteresse et lieu spirituel, le site est imposant par son étendue et la taille démesurée des pierres qui constituent les murs, la plus grosse mesurant 8,5m. Et comment ont-ils fait, nos petits copains incas pour monter ces pierres jusque là ? Un grand mystère demeure… Même si Lucie a sa petite idée sur la question ! (Cf le blogounet…).
Nous faisons route ensuite pour le sanctuaire des animaux de Cochahuasi, pour admirer vigognes, guanacos, lamas et alpagas suri et huacaya, et aussi des condors, belles bêtes, avec leur 3,2 m d’envergure, et un vol pouvant atteindre 60km/heure. On a droit à une présentation des différentes laines, et des procédés de teinture à base de plantes (pour le bleu, le vert, l’orange) ou de cochenilles (pour le rouge) et une inévitable vente de produits artisanaux (et hop, un châle tout doux en alpaga pour les longues soirées d’hiver suédoises !). Face à la montagne Veronica, nous faisons ensuite route sur les terrasses de Pisaq, un site absolument extraordinaire, accroché à la montagne, au dessus de la vallée, offert aux vents. Couleurs et formes harmonieuses, ruines fondues dans le décor, nous faisons une visite passionnante avec Filipo et sa flûte, qui n’hésite pas à mélanger histoire quechua, culture, croyances, soins médicaux à base d’huile essentielle de muna contre le soroche, et petites mélodies jouées à la flûte pour nous mettre dans l’ambiance. Nous lui achetons pour les enfants des croix andines, des chacanas, à la fin de la visite, pleines de symboles, dont le « help you/ help me / live together ». J’aime bien.
Puis nous faisons route, fin de journée et nuages lourds, jusqu’aux salines de Mara, un site lui aussi de toute beauté avec ses bassins de sel chatoyants qui déclinent toutes les teintes de brun, jaune, blanc, patchwork de sel entre ciel et terre.
Nous arrivons de nuit à Ollantaytambo, un autre site inca situé au dessus du village que nous visitons sous le soleil dès le lendemain matin. Outre le fait qu’on soit bluffé par l’ampleur du travail accompli pour la construction du site, on se demande également comment ils faisaient pour monter leurs escaliers aux marches démesurées…
L’après-midi nous prenons place dans le train Perurail qui nous emmène au clou de cette escapade, le mythique, le seul et l’unique…
Sacré Machu Picchu !
Depuis Ollantaytambo, en train, il faut 1,5 heure pour relier Aguas Calientes, autrement dit Machu Picchu pueblo, en longeant le rio Urubamba. Le train tournicote au fond de la vallée, entouré de montagnes escarpées qui dominent la voie ferrée. Du train, confortablement assis, nous pouvons admirer les sommets par les fenêtres situées dans le toit. Nous arrivons sous la pluie dans ce bled posé au fond d’une vallée encaissée, halte touristique par excellence, puisque la route s’arrête ici. Le village est au pied d’un pain de sucre qui obture la vue. Nous avons beau chercher, pour l’instant, pas de trace du Machu Picchu. Il joue la carte du mystère jusqu’au bout, comme pour ménager son petit effet.
La pluie et le vent chantent de concert, tandis que nous nous retrouvons devant ce dilemme, à quelle heure devons nous nous lever pour profiter pleinement de cette visite mythique ? Certains préconisent un réveil à 5 heures du matin pour aller admirer le lever du soleil depuis le site, d’autres le vantent pour la tranquillité ainsi certifiée avant l’arrivée massive des touristes. Mais mauvaise nouvelle, d’après la météo, il pleut des cordes, et cumuler pluie et réveil vespéral nous semble inhumain pour les enfants (bon prétexte pour les parents !). On opte donc pour une solution raisonnable, avec un lever à 6h00 pour être sur le site vers 7h30…
Et c’est parti ! A cette heure-ci, il y a déjà la queue au terminus, et les cars se suivent à la queue leu leu pour éponger l’afflux des touristes. Nous montons à bord d’un bus qui va nous acheminer tout là-haut via une route zigzagante en 20 minutes. A quelques centaines de mètres de l’arrivée, soudain, oui, le voilà !
Tout de suite le site vous happe, avec sa magie, sa beauté et son mystère. Découvert en 1911, vieux de 500 ans, lieu de culte ou résidence royale, le site est magnifiquement préservé et situé dans un paysage absolument étourdissant. Il faut s’imaginer ce lieu grouillant de vie et de ferveur, à l’ombre du Wayna Picchu, lorsque les incas le peuplaient. Il y a une quiétude qui se dégage de ce site où l’on touche presque le ciel et on comprend pourquoi les incas voulurent le soustraire à la connaissance des conquistadors, recouvrant les sentiers qui y menaient de branchages et laissant la nature faire son œuvre puisqu’elle dissimula le site pendant 5 siècles avant de le révéler de nouveau dans toute sa splendeur.
Alors bien sûr, il y a du monde, enfin, on ne se piétine quand même pas, et il y a aussi du soleil, ça, c’est plutôt inespéré, on pensait vraiment qu’on allait la faire sous la pluie, cette visite ! Un petit merci à la Pachamama ! Anatole est tellement content de voir la super belle vue et les terrasses incas !
On redescend à contre cœur, mais heureux d’avoir pu approcher ce lieu mythique, car oui vraiment le Machu Picchu est une vraie merveille et un site incontournable. Un petit bain aux sources thermales nous délasse agréablement avant de reprendre le train sur Ollantaytambo. Nous rentrons ensuite sur Cusco, cette fois-ci en faisant halte à Moray, cet étrange centre agronomique, formé de terrasses en spirales ou les incas effectuaient des études agronomiques sur les cultures, et Chincheros, petit village de tisserands dont l’église merveilleusement peinte de fresques murales vaut à elle seule le détour, tant on a l’impression de rentrer dans une église au temps des missionnaires.
De retour à Cusco, nous subissons la pluie, et nous intercalons tant bien que mal l’école et les visites, notamment dans les ruelles serrées de San Blas et San Cristobal, nous perdant dans les dédales de rues, sautant d’une colline à l’autre, prenant ainsi de la hauteur sur toute la ville.
Notre halte à Cusco et la vallée sacrée s’achève et nous décidons de repartir plein ouest, pour rejoindre le canyon de Colca. Et là je dis ouf ! Je n’en peux plus des escaliers, moi, je ne sens plus mes genoux !
Le canyon du Colca – Yanque
Nous roulons près de 6 heures entre les montagnes et atteignons l’altiplano couvert d’ichu, cette herbe jaune que broutent lamas et alpagas, sur un col à 4900m, 100 mètres de plus que le Mont Blanc, rien que ça ! La route est asphaltée jusqu’à Cauchi, après c’est de la piste, il nous reste encore 3 heures de route… Personne ne râle, nous avons les enfants les plus cools du monde ! Nous posons nos bagages à Chivay. A part une mignonne petite église, la ville ne marque pas les esprits, mais Anatole en gardera un souvenir impérissable, sous la forme d’un bel œuf de pigeon sur le front… Enfin un méga œuf de condor plutôt ! Les parents s’en tirent juste avec une grosse frayeur…
Le lendemain, nous rejoignons Yanque, à quelques kilomètres de là. Yanque, c’est un tout petit village blanc et poussiéreux, à l’orée du canyon, avec son petit musée et son église blanche, et également son marché ambulant, un camion à plateforme à la sono hurlante. Tout autour, le paysage hésite entre vallée verdoyante étalée en terrasses et gorge rocailleuse. Au loin, le Hualca Hualca, l’Ambato et le Sabancaya fumant veillent sur les terrasses cultivées. Nous y faisons une halte reposante et gourmande. Dans notre tout petit hôtel, la deuxième chambre familiale est occupée par Aude, Charles, Arsène et Hippolyte qui, eux aussi, ont largué les amarres pour un an. Les enfants ont exactement le même âge, les parents sympathisent très vite. Nous passons la soirée à nous raconter comment nous vivons cette aventure et c’est rassurant de voir que nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée loufoque de partir en famille !
Le lendemain, nous emmenons les enfants en balade dans ce décor féérique à travers la campagne. Ca travaille dur aux champs, charrues et outils archaïques, dos courbés. Rocaille et poussière, herbe jaunie, cactus de toutes les tailles, dentelles de murs, pierres en équilibre, les lamas, les ânes, les vaches. Nous montons jusqu’aux ruines de Uyo Uyo depuis lesquelles nous bénéficions d’un superbe point de vue, puis nous redescendons vers le rio, et atteignons, 3 heures plus tard, les petites thermes aux bassins en pierre de Los Tambos, avec une eau qui sort à 80 degrés ! Nous pataugeons tranquilles et presque seuls dans ces baignoires géantes. En fin de journée, les villageois affluent, ils arrivent de toute part, dévalant les flancs de la montagne pour venir s’y délasser.
Nous rejoignons le jour suivant la cruz del condor pour observer le vol des condors qui profitent d’un courant ascendant à cet endroit au petit matin pour planer, majestueux. Nous avons la chance d’en voir cinq pendant quelques dizaines de secondes dès notre arrivée ! Puis ce sera le calme plat pendant l’heure et demi suivante. Nous passons ensuite par Maca et son église splendide, traversons des villages éparpillés, mers de toits en tôle, reflets ondulants. Sous un ciel limpide, le canyon vertigineux se révèle dans toute sa beauté brute.
Après avoir assisté le dernier soir à l’éclipse de lune et la super lune depuis notre chambre, nous quittons nos hôtes avec tristesse, tant la halte était agréable. Nous reprenons la route, repassons par l’altiplano, ce désert jauni battu par les vents, à l’herbe soyeuse comme du velours, aux courants moussus, petites rivières remplies d’oiseaux, inhospitalier et pourtant peuplé. Nous discutons durant le trajet avec Agnès et Jean Luc dans le bus, pas avares de bons conseils pour la Nouvelle Zélande, qu’ils ont adoré. Nous atteignons Puno et le lac Titicaca à la nuit tombée.
Dernière halte péruvienne, Titicaca (ahahah !)
Le lac Titicaca ! Le lac navigable le plus haut du monde ! en voilà un autre nom mythique que nous avons entendu depuis notre prime jeunesse (et dont le nom a fait faire des générations entières d’écoliers) ! Etendu sur 190 km de long et 80 de large, avec une profondeur maximale de 280 m, c’est une mer au milieu des montagnes, à 3800 m d’altitude. Après la visite des îles flottantes, les îles Uros, « tissées » en jonc, site touristique incontournable du lac qui vaut pour l’observation de ces constructions artificielles uniques au monde, mais pour le coup vraiment trop touristiques, nous laissons place à la spontanéité et l’aventure humaine, en décidant d’écourter notre séjour à Puno pour suivre Claire, Michael et leurs 3 enfants, Soraya, Jimmy et Amélie, qui sont en tour du monde depuis 14 mois à bord du Rhino, leur camping-car. En fait, nous les avons croisé à Nazca et depuis nous nous suivons et croisons régulièrement le camping-car sur les routes péruviennes. Le courant passe bien et lorsqu’ils nous proposent de nous embarquer, nous acceptons l’invitation !
La petite famille nous charge dans leur engin et nous nous installons à une dizaine de kilomètres dans un hôtel au milieu de la pampa, eux dans le jardin, et nous dans une chambre. Claire a même eu le temps de préparer un gâteau et Amélie voulait absolument des bougies, alors nous pouvons fêter dignement l’anniversaire de Fabrice ! En cadeau, Papa reçoit ce qu’il avait commandé, un magnet-lama.
C’est de ce coin au milieu de nulle part que nous partirons pour la Bolivie, à bord du camping-car et en bonne compagnie. Notre troisième étape s’achève, nous en garderons un souvenir fabuleux pour ce qui est des mystères incas et des paysages extraordinaires de part et d’autre du pays. Nous aimons aussi l’ídée que notre petite troupe s’ouvre à d’autres voyageurs puisque nous avons enchaîné les rencontres positives. Seulement le revers de la médaille, c’est que l’activité touristique générée par les richesses naturelles et patrimoniales du pays a parfois tendance à étouffer l’essentiel du voyage, à savoir l’authenticité et la spontanéité. De plus, l’altitude (nous passons presque trois semaines entre 3500 et 4900m) qui altère le sommeil et épuise nerveusement nous rend peut être moins indulgents, moins flexibles, plus irritables.
Malgré tout, reste le plaisir de la découverte, celui d’être ensemble en famille, d’enrichir le voyage avec les rencontres faites en chemin, inopinées et chaleureuses. Alors reprenons nos baluchons et en route ! Direction la Bolivie !