Accueil DestinationsAsieLaos Carnet de voyage Laos (1ère partie): Soleil rouge

Carnet de voyage Laos (1ère partie): Soleil rouge

par Anne
Laos

(du 5 avril au 4 mai 2016)

Soleil rouge au Laos

Ce sera notre première vision du Laos, ce disque rouge, incandescent, qui brûle dans le ciel du Laos. Dans un ciel incolore, de ce gris flouté, voilé, brumeux que l’on doit à l’air lourd et humide mais aussi tout empli de fumée, le soleil tombe lentement vers l’horizon dès la fin de l’après-midi. En fait, cette absence de couleur est due en partie à la chaleur qui nous tombe dessus dès la sortie de l’avion mais également aux fumées âcres des cultures sur brûlis. Les paysans les pratiquent encore énormément dans le pays. Surtout les minorités, les habitants des montagnes isolées, ceux qui mènent une vie rude et primitive et qui portent le blâme silencieux de cette maltraitance écologique faute de connaître les conséquences néfastes d’un essartage massif mais aussi faute d’alternative à cette pratique ancestrale. Parfois, quand le vent chaud se décide à souffler un peu, des cendres grosses comme le pouce virevoltent dans le ciel, noires et fines comme du papier à cigarette qui se serait consumé. A chaque fois que je les vois, je pense à la nature qui morfle, encore et toujours, sous la main de l’homme.

L’Asie au ralenti

Nous arrivons à Luang Prabang au nord du pays. Au départ, nous voulons y rester six jours. Nous y resterons douze, c’est notre plus longue étape de tout le voyage ! Il faut dire que Luang Prabang, ancienne capitale du « royaume du million d’éléphants » a de quoi séduire grâce à son long héritage historique préservé. C’est une petite ville d’environ 70 000 habitants nichée sur une presqu’île entre le Mékong et la rivière Nam Khan. Nous la découvrons de nuit. Dans le soir, le stupa doré du Mont Phu Si, légèrement estompé par la brume semble flotter dans les airs. Un marché s’étale sur la rue principale, la Sisavangong road. Plus loin, on distingue l’ombre du palais royal aux mosaïques intérieures magnifiquement colorées. Les arcades fraîches des maisons coloniales du quartier de Xieng Mouane, blanches aux volets sombres, nobles et élégantes, sont égayées par des lampions de couleur aux lumières douces. On devine en contrebas des pentes abruptes le long ruban calme du Mékong. Et puis bien sûr, il y a les temples, le Wat Xien Thong, datant de 1560, magnifique temple aux lignes d’une finesse et d’une élégance admirables, le War Chom Si, le Wat Siphouttabath, le Wat Wisunalat et sa multitude de bouddhas antiques, alignés contre le mur et semblant attendre l’éternité dans la pénombre et la poussière. Centre spirituel important, des milliers de moines, crane rasé, robe safran, déambulent au petit matin pour le Tak Bat, lorsqu’ils sortent en procession pour faire l’aumône, sac en bandoulière et sébile à la main.

Dédale de rues, temples éparpillés, maisons jolies, cours fleuries, arbres centenaires, une paix, une tranquillité gagne la ville jusqu’à son marché de nuit. Une centaine de stands d’artisanat s’étire mollement, on y flâne les yeux sans cesse attirés par des étoffes brodées et des vêtements traditionnels des différentes minorités ethniques, des objets sculptés, des bijoux en argent ou en pierres colorées, des antiquités. Dans une petite artère, sous un toit de tôle qu’un simple coup de vent peut soulever dans un fracas assourdissant et effrayant, des stands de nourriture regorgent de currys, brochettes, fruits frais et gâteaux de riz… Luang Prabang m’est tout de suite amicale et familière.

A Luang Prabang, on est littéralement écrasé de chaleur. Le rythme des journées va au ralenti, nous nous enfermons en milieu de journée pour essayer de trouver le frais, quand le temps devient orageux et moite et que la chaleur devient inévitable. Nous squattons aussi les tables des petits stands sur la place face à l’office du tourisme en attendant que les heures passent. Avec les amis, Hèlène, Yohann, Garance et Nathan, nous restons là à palabrer en sirotant un jus de citron-menthe frais et gorgé de glaçons dans une brise chaude et éparse. Nous allons chercher l’ombre dans les musées, notamment le petit musée du TAEC qui nous renseigne un peu plus sur les principales minorités qui peuplent le pays, ou le palais royal.

Le reste du temps, nous nous baladons à scooter, au sud, au nord, à l’est du quartier historique. Nous découvrons des temples alanguis au bord du Mékong, comme le wat Phabhat, désert et désuet, un village de tisserands qui dort, la tombe d’Henri Mouhot, le célèbre découvreur d’Angkor, mort au Laos de la fièvre jaune. Nous nous rendons en tuktuk jusqu’aux cascades de Kuang Si aux eaux bleutées chargées de limon. Au lendemain du nouvel an laotien, elles sont prises d’assaut. Il faut monter en haut de la cascade pour trouver le calme de la jungle, sa musique, intense, vivante. Là-haut, la rivière chante et glougloute avant de se jeter dans le vide en une chute vertigineuse étouffée par la verdure. Nous nous promenons en bateau sur le Mékong, paisiblement. La brume opaque estompe les deux rives, poussière de craie. Nous remontons le courant jusqu’à la grotte de Pak Ou où se trouve le sanctuaire de Tham Ting. Déposées depuis des siècles dans ces grottes, 4000 statues de bouddhas nous y attendent, en corne, bois ou résine, laqués ou dorées, de toutes les tailles, de toutes les formes, les traits lisses figés emplis de sagesse, immobiles.

De l’eau à gogo !

Soli Pi Maï ! Bonne année ! C’est le nouvel an laotien. Et c’est aussi la fête de l’eau, la célébration du retour à la vie avec l’arrivée de la saison des pluies tant attendue. La fête s’étale sur plusieurs jours. Au programme des festivités, cortège d’éléphants, défilé de Miss Nouvel An, concours de stupas de sable, procession des moines et du Pra Bang, cette petite statue vénérée de Bouddha à laquelle La ville doit son nom. Les villageois sont descendus à la ville, on les repère assez vite, ils restent en groupe et semblent un peu dépassés. Et surtout bataille d’eau généralisé !

C’est notre amie du stand de fruits qui nous le souhaite la première. A vrai dire, on nous l’a déjà souhaité lorsque nous roulions sur les scooters, à grands coups de seaux d’eau fraîche. En raison des fortes chaleurs qui frappent le pays en ce mois d’avril, l’Asie du Sud Est étant frappée par une vague de chaleur inédite, cette fête est plus que bienvenue. Tout le monde s’y met, à coups de pistolets à eau, de seaux, de tuyaux d’arrosage, de poubelles remplies d’eau gelée, toutes les armes sont bonnes à prendre… Une fois qu’on a compris qu’on ne pouvait pas y échapper, l’inévitable douche devient ludique et bon enfant. Comme le thermomètre affiche un bon 43, on se laisse prendre au jeu nous aussi, ravis de retomber en enfance, joyeux et rafraîchis ! Le seul bémol est de ne pas se lasser, car il est autorisé de balancer de l’eau sur son voisin pendant Pi Mai, soit environ pendant 3 jours (personne ne sait exactement !) et quelques jours avant, et aussi quelques jours après…



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