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Le petit fil de la lessive

par Anne

D’un pays à l’autre, au cours de ce voyage, nous avons très souvent donné notre linge à laver. Pour un coût dérisoire, nous nous sommes épargnés la corvée de lessive et nous laissions nos frusques entre les mains expertes de blanchisseuses aguerries. C’était un parti-pris, une manière de faire marcher le petit commerce. Nous ne lavions pas notre linge sale en famille, en somme ! Nous laissions nos petits sacs à la réception dans des halls d’hôtel poussiéreux, dans des boutiques exsangues, sur des pas de porte sombres et sales, à l’arrière-boutique de pressings… Ils disparaissaient, prestement, hors de notre vue les fringues chéries, le T-shirt fétiche, les dessous confortables. Oui, nous confiions nos vêtements, notre seule grande richesse de baroudeurs, en priant secrètement à chaque fois pour qu’il n’y ait pas d’accident regrettable, dont le plus redouté était la perte pure et simple…

Et quelques heures plus tard, nous récupérions régulièrement nos sacs, tantôt avec du linge soigneusement plié, trié par taille et par couleur, tantôt entassé à la va-vite, souvent embaumant la lessive, ayant retrouvé une couleur honnête et une douceur inégalée, parfois auréolés d’autres taches que celles que nous leur connaissions, mais toujours dans leur intégralité. Jamais une seule perte à déplorer en un an de voyage et quelque chose comme une cinquantaine de laveries dans le monde entier.

Nous avons fini par percer le secret de la blanchisseuse. Pour ne pas perdre un seul de nos vêtements lors du passage en machine, elle prenait soin de les coudre tous les uns aux autres en une ribambelle colorée de de culottes et chaussettes du meilleur effet. A la fin de la lessive, on imagine qu’elle enlevait les fils, ou simplement elle coupait la guirlande. Alors, lorsque qu’on remettait un T-shirt propre, on retrouvait un petit fil noué sur le col, un petit fil oublié, témoin de son passage en machine et de son lavage express.

Longtemps après notre retour, je continuais à retrouver sur nos habits de ces petites nouettes grises ou rouges ou blanches sur le col d’un T-shirt ou le bout d’une chaussette et j’en éprouvais alors un grand sentiment de nostalgie chagrine.



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