Accueil Suivre nos aventuresLe carnet de voyage Carnet de voyage Pérou (1ère partie): Terre brune au cœur d’or

Carnet de voyage Pérou (1ère partie): Terre brune au cœur d’or

par Anne
Perou

(3 au 15 septembre 2015)

Lima sans amour

L’arrivée à Lima, à 07h40 (ce qui signifie un lever à 03h30 du matin. Indécent, absolument !) se fait sous la grisaille locale, le garua, qui bouche le ciel et abat sur la ville une atmosphère morne et sale. Dès la sortie de l’aéroport, c’est bouchons énormes, klaxons et pollution, usines et entrepôts. Des balayeurs passent un coup de balai sur l’autoroute saturée. Jusqu’à notre hôtel, rien n’accroche véritablement l’œil, mis à part la place d’armes et quelques églises noircies. La première journée se passe au ralenti et sans entrain, jusqu’à l’heure du dîner, quand nous franchissons la porte des « travailleuses missionnaires de l’Immaculée », une petite communauté de religieuses qui tiennent un restaurant. Ce soir, elles prêtent la salle du restaurant aux membres d’une famille qui se rassemblent pour commémorer un de leurs défunts (elles nous expliquent qu’au Pérou, on se réunit à l’enterrement, puis une semaine après, puis un an après… La famille n’oublie pas facilement ses disparus). A part tous ces gens, sûrement une cinquantaine, qui papotent gentiment, nous sommes les seuls clients du restaurant et les sœurs sont aux petits oignons pour nous avec leur sens de l’accueil, leur gentillesse et leur bonne humeur contagieuse. Sœur Marie Josèphe en tête, suivie de toutes les sœurs de la communauté viennent nous saluer et papoter, entre deux plats savoureux. Nous sommes tellement touchés et bien reçus que nous y retournons le lendemain, dans une toute autre ambiance, car à l’heure du déjeuner, Sœur Marie Josèphe nous avait prévenus, c’est une véritable usine où les sœurs turbinent sans relâche et toujours avec le sourire. En plus, tout en nous régalant, nous faisons une bonne action, alors c’est tout bénef!

Pour la première fois, nous devons mettre sur pied notre itinéraire sans autre aide que les traditionnels guides de voyage. Alors qu’on se rend compte des distances et des temps de trajets, on ne sait pas trop par quel bout commencer, un avis serait le bienvenu, et c’est Pierre, rencontré à Puerto Lopez qui nous aiguillera avec ses conseils de baroudeur.

Perou

Lima nous réserve une belle surprise, les jours suivants, le garua se lève et dévoile un cœur historique élégant, quoique souvent laissé à l’abandon. Beaucoup de jolies façades coloniales arborent fièrement des balcons de bois courant le long des rues. Plus ou moins ouvragés, plus ou moins rectilignes, plus ou moins conservés, ils habillent la ville d’un charme désuet. Nous découvrons de belles places dont la place d’armes et Saint Martin, la cathédrale, le palais épiscopal, l’église San Francisco et son monastère ravissant, on a envie d’errer, on se laisse gagner par le charme de cette grande agitée.

Avant de quitter Lima, tournée générale chez le coiffeur. La coiffeuse est ravie et nous fait poser pour la photo. Qui sait, depuis, nos bobines sont peut-être étalées en vitrine ? En revanche, on n’est pas trop sûrs de vouloir vous donner l’adresse, car malgré toute l’application dont elle a fait preuve, son talent ne devait pas être adapté aux cheveux de paille de nos pauvres têtes !

Paracas, les iles Ballestas et le courant de Humboldt

On se lève de nouveau aux aurores pour prendre un bus top luxe à deux étages, couverture et petit coussin fournis, appuie tête, repose pied, en direction de Paracas, sur la côte Pacifique. Le pacifique qui fait froid dans le dos, car les eaux de cette côte sud du Pérou sont baignés par le courant de Humboldt, un courant marin… froid. Comme quoi, Pacifique rime parfois avec sadique.

Ce qui nous saute aux yeux dès la sortie de Lima, c’est ce désert brun et pelé qui apparaît. Parfois quelques villages blancs, et au loin, la mer en rouleaux. Ce désert, on ne s’y attendait pas, alors qu’il constitue le tiers du pays, tout le long de la côte. Ensuite, c’est la montagne, la cordillère des Andes, puis tout à l’est, de nouveau les plaines d’Amazonie.

A Paracas, petite bourgade collée à la mer, nous déjeunons sur le front de mer. Poissons et ceviche parfumés, moules gratinées au parmesan, crevettes… C’est un régal de lire la carte, on la mangerait presque ! Un peu plus loin, le port aligne les bateaux, bien ordonnés. Alentour, tout est pelé et désertique, mais malgré tout extraordinairement vivant et fascinant.

C’est Augusto, un apprenti-guide indépendant, qui va nous aider pour dégoter des excursions à bon prix. Une des principales activités touristiques est d’aller voir les iles Ballestas, à une demi-heure de la côte. Ces îles baignées par les eaux froides du sadique Pacifique permettent aux pélicans, pingouins, fous (sans pied bleu cette fois, on les appelle les fous variés) et lions de mer de vivre sur ces cailloux, recouverts de guano, et où ils ont élu domicile malgré l’odeur âcre qui vous prend à la gorge. Qui a dit que l’argent n’avait pas d’odeur ? Au XIX siècle, le pays remboursait aux pays d’Europe sa dette extérieure à coups de fientes d’oiseaux, un excellent fertilisant ! Maintenant, les iles sont protégées, et la « récolte » se fait sous haute surveillance régulièrement.

Après les deux heures de cette excursion, nous partons avec Nicolas, l’ami d’Augusto pour le parc national de Paracas, un désert tricolore : le rouge provient de l’oxyde de fer, le jaune et le blanc du sel. C’est une étendue splendide de sable à perte de vue, bordée par une mer bleue azur et couvert par un ciel limpide. Nicolas nous fait découvrir les richesses géologiques de son fief, creuse le sable pour dégoter des cristaux de sel, fait tinter les cailloux chargés d’oxyde de fer entre eux, nous parle des pélicans, des fous et des guanai (à qui on doit le terme de guano) qui peuplent le bord de mer. Nous nous posons au creux d’une anse, dans le seul endroit du parc ou l’on peut déjeuner. Nous ne sommes pas seuls, mais le poisson est plus que frais et les moules gratinées succulentes. Abrités du vent, le soleil cogne et ne fait pas de compromis, révélant ainsi à nos yeux une palette de couleurs superbe, entre le sable, le ciel et la mer…

Vol au dessus des lignes de Nazca

Nous quittons Paracas le lendemain, par une route magnifique entre le désert, les montagnes brunes, les dunes, les villes déglinguées. De nouveau, nous avons droit à un bus tout confort.
Nous arrivons à Nazca après avoir dégringolé une hauteur rocheuse brune dominant une vallée verte splendide. Les contrastes sont saisissants.

Le tourisme péruvien est plus « agressif » qu’en Equateur ou au Costa Rica. A notre descente du bus, les rabatteurs sont légion et Fabrice les fuit en s’en éloignant au pas de course. Sauf que notre hôtel a prévu une voiture pour nous et que le chauffeur s’essaie au français en prononçant timidement « Fabui ? Fabui ? » Heureusement, je l’entends, et puis une « familia de quatro personas con dos ninos », ça ne passe pas inaperçu, il a tôt fait de nous courir après…

Nazca est essentiellement un point de chute en raison des lignes du même nom, découvertes en 1927. L’allemande Maria Reiche, véritable idole dans la région, a consacré sa vie au nettoyage, à la valorisation et la préservation de ces géoglyphes fabuleux.

Entre -200 avant JC et 800, la civilisation nazca dessine ces lignes au tracé parfait en déplaçant les cailloux du désert, de teinte rouge, laissant ainsi apparaitre formes géométriques ou animalières. Couvrant le désert, les montagnes , les ravins, on en compte plus de 800 (en 2014, on a découvert de nouvelles lignes après une tempête de sable).
Visibles uniquement depuis le ciel, ce qui nous vaudra un calvaire aérien comme j’en ai rarement connu, on peut citer parmi les plus connues le singe, l’araignée, le colibri ou le condor. Il y a aussi l’arbre, très harmonieux. Le vol se fait à bord d’un tout petit coucou, dans lequel on est terriblement secoué, le pilote balançant l’engin d’un côté puis de l’autre pour nous permettre d’identifier le géoglyphe survolé, visible juste sous l’aile. Malgré le coton imbibé d’alcool que le copilote nous tend charitablement, les cœurs sensibles ne résistent pas. Je serai vaseuse tout le reste de la journée… Pourtant la vue est splendide de là haut !

Les théories sur l’origine de ces lignes vont bon train, mais la plus plausible serait que la civilisation nazca se mit à souffrir du manque d’eau qui toucha la région jusqu’à la rendre désertique (et qui accessoirement, provoqua certainement la disparition de cette civilisation). Pour implorer la clémence des dieux, ils tracèrent ces lignes, la plupart en relation avec des sources d’eau dont elles indiquent la situation, en offrande, et on pense aussi qu’elles délimitaient des lieux de culte où ils procédaient à des rituels. On ne peut pas dire que ce fut bien efficace, aujourd’hui, il pleut environ 30 minutes par an dans le coin ! On pense aussi qu’elles feraient référence à des connaissances astronomiques poussées assez remarquables pour l’époque.

Cette fois, nous quittons Nazca en bus de nuit, c’est parti pour une virée nocturne de 10 heures, toujours dans un engin de haut standing. Oui enfin… On est quand même mieux dans son lit à cette heure là !
Je somnole, et me réveille au lever du jour, quand la lumière naturelle permet de voir du paysage.

Arequipa, l’escale éblouissante

La route tout d’abord : de nouveau, cette nature pelée et brune. A notre arrivée, nous faisons connaissance avec le Misti, le Chachani, et le Picchu Picchu, les trois volcans qui veillent sur Arequipa, 920 000 habitants, 2335m d’altitude et une blancheur pepsodent.

Arequipa et ses ruelles écrasées de soleil est tout de suite très séduisante. La pierre de sillar, tuf volcanique de couleur blanche, habille en grande partie le centre historique. Sous la lumière crue du soleil, elle éblouit, luminescente. Les lignes pures des bâtiments coloniaux ajoutent à la simplicité du décor. Au loin Le Misti, recouvert de neige, blanc immaculé lui aussi, veille paisiblement sur la ville. Partout, cette blancheur éclatante s’étale, parfois rehaussée la ligne sombre d’un balcon en bois, une porte, une fenêtre. Les arcades sobres de la plaza de Armas entourent un carré d’herbe face à la cathédrale. A deux pas, l’église de la Compania offre aux regards attentifs sa façade minutieusement sculptée. Nous découvrons les belles façades de la Casa del Moral et autres maisons coloniales, le monastère de la Recoleta et sa bibliothèque aux ouvrages merveilleusement conservés grâce au climat local, pas d’humidité, pas de petites bestioles pour grignoter les feuillets.

Et puis, il y a le monastère de Santa Catalina, ceint d’un haut mur blanc lui aussi, qui ouvre ses portes sur un monde hors du monde. Contrairement à la ville monochrome, les façades à l’intérieur arborent des couleurs splendides, bleu Majorelle et rouge brique. Construit au XVI siècle, ce couvent aussi vaste qu’une petite ville avec ses ruelles, ses places, ses cloîtres et ses fontaines, accueillait des femmes issues des meilleures familles aristocrates qui devenaient religieuses comme le voulait la tradition familiale pour les cadettes, plus que par vocation, et qui prenaient le voile en se coupant du monde. En raison d’un tremblement de terre, elles se sont mises à construire des cellules individuelles, qui petit à petit devinrent de jolis petits pavillons avec jardin, salon, cuisine et chambre pour les servantes. Elles vécurent certes retirées, mais menant grand train, puisqu’elles pouvaient recevoir, jusqu’à ce qu’en 1871, une réforme leur dicta qu’il fallait peut-être revenir aux valeurs de base, notamment en ce qui concerne le vœu de silence et de pauvreté. J’imagine le choc des sœurs qui ont dû céder leur petit nid confortable, reprendre le chemin du réfectoire et se retrouver à dormir en dortoir !

Toujours est-il que Santa Catalina reste un lieu absolument enchanteur. On arpente les ruelles aux noms de villes espagnoles, on s’attarde à l’ombre des couloirs frais des cloitres, on imagine les sœurs, silhouettes blanches voilées de noir discuter autour de la fontaine au sortir de la messe.

Juanita et l’éternelle jeunesse

Arequipa, c’est aussi pour nous l’occasion de commencer à nous pencher sérieusement sur la civilisation inca autrement qu’en regardant « les merveilleuses cités d’or » avec les enfants. Nous visitons le musée Santuarios Andinos, petit musée bien foutu où l’on fait connaissance avec Juanita, la princesse des glaces, jeune fille éternelle.

Découverte après l’éruption volcanique qui fit fondre la calotte glaciaire de l’Ampato en 1995, Juanita est une belle jeune fille de noble lignée, pas très grande et menue, richement vêtue, aux longs cheveux noirs… Vieille de 500 ans et totalement momifiée ! Sacrifiée pour calmer la colère des dieux, elle fut enterrée au sommet du volcan, avec quelques offrandes, également exposés, le tout merveilleusement bien conservé par les glaces du volcan.

JuanitaNous apprenons que les enfants élus au rang de « potentiellement sacrifiable » étaient arrachés dès leur plus jeune âge à leur famille, et qu’ils étaient élevés à Cusco, où on leur présentait la chose comme un grand honneur car leur sacrifice, en plus de calmer les dieux, leur permettrait de devenir eux-mêmes des dieux et d’accéder à l’éternité. C’est chose faite pour Juanita.

Dans sa cage de verre frigorifiée,  elle est assez impressionnante. Lucie est intriguée mais Anatole aime moyen et se cache dans les bras de Fabrice ! Pour la petite histoire, la demoiselle se baladait quand même avec son cordon ombilical séché emballé dans son mouchoir en guise de médicament ou remède miracle, trop sympa !

Après ces quelques jours qui ont filé sans qu’on s’en rende compte, avec regret, nous quittons Arequipa et sa blancheur immaculée… Direction Cusco et la vallée sacrée pour une immersion totale dans le monde inca !



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