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Bas les masques !

par Anne
Japon

Au Japon plus qu’ailleurs, les résidents des grandes villes ont recours à ce masque chirurgical sensé prévenir la propagation malsaine et redoutée des microbes, la contamination de ses pairs par les miasmes les plus vils. Ca marche dans les deux sens : si on est malade et qu’on veut épargner à son entourage d’être victime d’une bonne vieille crève des familles, ou bien si on est en bonne santé et qu’on veut éviter de respirer les germes contagieux de ses voisins les plus proches. Il vaut certainement aussi contre la pollution, les émissions de gaz et vraisemblablement pas mal de désagréments liés à toutes sortes d‘émanations flottant dans l’air vicié des mégalopoles nippones. Résultat, on se retrouve à croiser dans la rue une foule de moitiés de visage, des yeux sans nez et sans bouche, le bas de la figure barrée d’un trait blanc ou bleu du plus bel effet.

C’est vite étrange et dérangeant, ces demi-faces. Il manque quelque chose à ces portraits indéfinis et tronqués. Il leur manque la possibilité d’échanger dans une communication non verbale, un langage universel, un esperanto silencieux. Oui, il leur manque de quoi composer la plus belle des paroles, un sourire. Derrière son masque, cette maman sourit sûrement tendrement à son enfant. Qu’en sait-il, le petit ange ? Effacer le sourire d’un visage, c’est retirer à l’homme une des caractéristiques les plus sociales de la race humaine, celle qui lui permet d’exprimer sans un bruit, dans une muette expression, une multitude. Par un sourire, c’est mille discours qui se disent. Derrière leurs masques, ces hommes et ces femmes s’interpellent, se répondent, remercient, saluent, prennent congé, s’excusent, échangent, expriment en une mimique silencieuse une politesse feutrée, une joie contenue, une reconnaissance, une cocasserie, un plaisir partagé, une bonté, une entente cordiale, une réciprocité amicale, sans qu’on puisse les entendre. Parole vaine, le sourire masqué s’échappe sans être déchiffré. Par un sourire, l’humanité toute entière communique. Le masque devant la bouche la rend muette, et c’est tout à coup d’une tristesse. Tenez, prenez l’enfant, bercé dans les bras de sa mère. Il ne saura jamais que sa mère en demi-lune lui sourit.



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