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A vot’bon cœur !

par Anne
Cambodge

Un but louable

Donner de son temps pour une noble et juste cause, voilà qui est louable ! Au delà de la bonne intention, il y a quelques questions auxquelles il faut répondre honnêtement si l’on ne veut pas, pour une mission, donner son temps … en perdant de son temps, et de son sens. Car il arrive qu’on se retrouve, aussi bête que cela puisse paraître, devant des cas avérés d’un nouveau type d’arnaque, l’arnaque au bénévolat.

C’est au Cambodge que l’on entendra le plus parler de ces dérapages incontrôlés dans le domaine du volontariat. C’est choquant, révoltant. C’est flippant. On prend les bénéficiaires en otage. Les donateurs pour des buses. Les bénévoles pour des crétins. C’est honteux, c’est abject.

Partir avec une association nécessite de s’assurer de son sérieux. Qu’elle soit connue, qu’elle fonctionne depuis quelques années avec de bons résultats est un plus. Qu’elle soit au moins enregistrée en tant qu’organisation à but non lucratif, c’est le strict minimum. Ensuite, l’équipe sur place doit tenir la route, la mission doit être réfléchie, sa portée doit avoir un sens pour les locaux et compter sur une durée de vie minimum. Aujourd’hui, c’est facile. Un petit tour sur internet et on arrive à savoir qui travaille pour l’association, comment elle fonctionne, avec quels moyens, ce qu’elle apporte, etc. Impossible de faire l’oie blanche.

Tout le monde n’a pas l’âme d’un bon samaritain, même dans le monde merveilleux du bénévolat. Il faut savoir se méfier autant des faux volontaires que des démarcheurs qui vous croisent dans la rue et vous « vendent » leur super école-pilote nécessitant bien sûr d’importants moyens financiers, qui vous invitent d’ailleurs à venir vous rendre compte sur place par vous-mêmes. On se croirait au cirque, ou pire à la foire aux bestiaux. Viens voir la misère, la crasse et la bêtise humaine.

Mais surtout, partir en mission est une démarche personnelle à entreprendre pour de bonnes raisons. Et là, même en étant de bonne volonté, cela peut s’avérer plus compliqué qu’à première vue. Aider, donner de son temps, de son énergie, œuvrer pour qu’une association démarre, se fasse connaître, fonctionne de manière pérenne, oui. Donner du sens à sa vie, se donner bonne conscience, se faire du bien, pourquoi pas, mais cela ne doit pas être le but premier. Le bénévolat n’est pas une thérapie pour les riches et leurs problèmes existentiels. Il faut avoir les épaules solides, et surtout relativiser. Personne ne vous attend comme le sauveur de l’humanité dont la généreuse action altruiste va éradiquer en 15 jours toute la misère du monde ! Il faut aussi savoir rester réaliste tant sur la façon dont on peut contribuer, sur la portée de son intervention, que sur ce que l’on peut y gagner personnellement, en sachant que ce dernier point doit être considéré comme secondaire, voire totalement superflu. Combien de volontaires sont enthousiastes à l’idée de partir faire du bénévolat parce que ça a l’air « enrichissant ». Rien que le choix du mot est tendancieux et l’idée totalement déplacée !

Dérives

Aller aider pour se donner bonne conscience peut avoir un effet indésirable, celui de vouloir se sentir bien au détriment de ceux à qui s’adressent l’aide en premier lieu. On assiste alors à un fiasco total de la mission. Car comment mener à bien une mission si l’on est soi-même complètement à l’ouest ? On a croisé une pauvre comptable australienne parachutée, seule, professeur d’anglais dans une classe d’enfants qui ne parlaient quasiment que cambodgien. A son désarroi de ne pas avoir été préparée, de ne pas avoir été accompagnée ni encadrée dans sa mission, s’ajoutaient la déception et l’amertume de ne servir à rien et de perdre son temps. Du coup, elle séchait les heures de cours qu’elle devait donner pour se réfugier à la piscine de l’hôtel et boire des mojitos… Les dérives déprécient malheureusement tant le bénévole qui n’y trouve pas son compte que l’association qui y perd toute crédibilité.

Les domaines d’activité des associations concernent souvent les enfants. Et malheureusement, on entend parler de tous les abus. Des pseudo-orphelinats, des écoles bidon, des hôpitaux pour enfants pas malades, des maisons-pensionnats-guettos… La liste est longue, glauque surtout. Même en gardant cela en tête, il est facile de se faire flouer. On est souvent plus naïfs que ce que l’on veut bien admettre, surtout quand les missions touchent à l’affect. Les enfants sont des appâts faciles pour les bonnes âmes perdues qui cherchent à donner un sens à leur vie. Au même titre que les animaux.

Un autre souci, et non des moindres, quand on va travailler pour un orphelinat quelques jours, c’est que ce sont bel et bien des enfants en chair et en os qui vous accueillent et s’attachent à vous, pour ensuite être encore une fois abandonnés une fois la mission terminée. Il ne faut pas être psy pour comprendre les effets désastreux que cela peut avoir dans leurs relations avec les adultes et dans leurs rapports au monde. Il faut savoir admettre que soulager sa conscience peut générer des situations qui sont loin de faire le bien, surtout lorsque cela implique d’autres êtres humains en souffrance.

Une autre aberration du volontourisme, c’est le côté cool et branché véhiculé en grande partie par les réseaux sociaux. Actuellement, partir en mission de bénévolat, c’est devenu un passage obligé de son voyage en routard, dont on pourra parler sur son blog entre deux posts de photos de plage et « les 5 choses à faire à Tataouine-les-bains ». Une bonne action a-t-elle besoin de publicité si la démarche est sincère ? Quel est le but alors de la mission, peut-on espérer qu’il y a une quête plus profonde que le simple racolage en vue d’obtenir le plus de « likes » possible ?

Et l’argent, dans tout ça ? Le rapport à l’argent des bénévoles potentiels n’est pas toujours très clair. Il y a ceux qui attendent de l’association qu’elle les loge et pourquoi pas qu’elle les nourrisse, en utilisant donc les dons et subventions prévus pour aider ceux qui en ont vraiment besoin. Et depuis peu, il y a aussi les prétendants à la bonne action qui sont prêts à payer les organismes de « placement », des agences de tourisme spécialisées dans le bénévolat, qui elles, demandent des sommes astronomiques pour que chaque candidat trouve la mission de ses rêves. Ça en devient presque grotesque, sans parler du fait qu’on n’est jamais sûr du résultat, sauf d’un : l’agence prélève tranquillement sa marge sur le service.

Les associations sur le terrain

A côté de toutes ces dérives, il y a les petites associations locales qui fonctionnent bien, qui gagnent des sous intelligemment en vendant des services ou des biens, qui ont embauché le personnel local adéquat et qualifié, apte à comprendre la portée économique et culturelle de leurs actions. Celles-ci vivent correctement mais manquent cruellement de moyens, parce que l’argent, tout compte fait, oui, pour elles aussi, c’est le nerf de la guerre. Prendre son temps pour discuter avec les membres ces associations, comprendre les enjeux sous-jacents des missions, les rendre légitimes par l’intérêt qu’on leur porte, c’est peut-être ainsi qu’on peut apporter un peu de soutien lorsque l’on est un simple voyageur.

Il y a des tas d’associations au Cambodge. Des tas ! Nous, nous avons choisi d’aider ces petites structures-là. D’aller dîner dans les restos tenus par des handicapés, d’acheter le porte-clefs à l’association qui aide les enfants de la rue à se réinsérer, de consommer les produits locaux… Autant d’actions, certainement petites et discrètes qui n’apportent aucune gloire immédiate mais qui avaient un sens à nos yeux. Alors, oui, c’est sûrement moins gratifiant que le sourire d’un enfant orphelin qui ne demande que votre amour. Mais on revient avec plein de petits souvenirs et de bons moments qui ont l’avantage d’avoir le goût de la bonne action.

 

Pour aller plus loin dans cette réflexion :

http://thinkchildsafe.org/

http://thinkchildsafe.org/think-support-families-not-orphanages/

https://www.rtbf.be/info/societe/detail_le-volontourisme-ou-comment-des-agences-de-voyages-monetise-la-pauvrete?id=8359733

Et encore plein d’autres liens là :

http://www.servicevolontaire.org/international/volontariat/benevolat/mission_humanitaire_gratuite.php



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